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LES FEMMES MISSIONNAIRES
Un angle mort de l’histoire
Jeudi 19 mars 9h15-10h
Un des enjeux majeurs du 21ème
siècle pour nos sociétés occidentales est sans doute la
promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, entre les filles et les garçons.
L’actualité nous rappelle sans cesse qu’il y a en ce domaine encore beaucoup de chemin à
parcourir. Education et formation sont des vecteurs, avec d’autres, de ce chantier encore
largement ouvert.
Lorsqu’en 1881-1882 les lois de Jules Ferry instaurent l’enseignement primaire, laïc,
gratuit et obligatoire pour tous les garçons et toutes les filles, les portes de l’école s’ouvrent
effectivement en grand. Pensés essentiellement pour des garçons futurs citoyens-soldats et des
filles futures mères de citoyens, les programmes fondent en histoire un roman national
unificateur, un panthéon scolaire constitué uniquement de grands hommes.
Lorsqu’en 19571
une circulaire impose la mixité dans les classes, ce n’est pas au nom
d’une certaine égalité des chances qu’elle serait censée privilégier mais parce que « la crise
de croissance de l’enseignement secondaire … nous projette dans une expérience (de la
mixité) que nous ne conduisons pas au nom de principes, par ailleurs fort discutés, mais pour
servir les familles au plus proche de leur domicile ».
Ainsi, depuis 60 ans, l’institution scolaire vit dans l’illusion d’un « universel de
l’éducation et du savoir et de la croyance conséquente à l’égalité des chances entre les filles
et les garçons »2
Depuis une trentaine d’années, la recherche s’intéresse aux inégalités sexuées qu’une
mixité imposée mais pas toujours pensée a provoqué dans les classes de l’école primaire
jusqu’au lycée.
La mixité au même titre que la laïcité (jusqu’au mois de janvier dernier ?) est considérée
comme allant de soi. Elle est perçue comme étant le seul et meilleur moyen de réaliser
l’égalité des chances entre filles et garçons.
1
Circulaire du 3 juillet 1957 (lycées et collèges) « Le fonctionnement des établissements
mixtes »
2
Fraisse, G. in Manassein, M.(dir.), De l'égalité des sexes, Centre national de documentation
pédagogique, 1995.
1
Or, lorsqu’on observe ce qui se passe en cours d’histoire du cycle 3 à la terminale force
est de constater que cette discipline participe fortement à la construction d’inégalités soit
parce que les femmes sont absentes de cette histoire enseignée, soit parce que lorsqu’elles
apparaissent, c’est sous forme de stéréotypes de genre (héroïnes, maîtresses, saintes …)3
.
L’identification est alors pour les élèves filles difficile quand on ne leur décrit que des destins
hors du commun. Quant à la représentation que les garçons se construisent des femmes du
passé…
S’attaquer aux inégalités filles garçons à l’Ecole consiste donc certes à tenter de
modifier les représentations sur l’orientation (le fameux plafond de verre), à prendre
conscience de certaines pratiques de classe (on interroge plus les garçons que les filles) mais
aussi à penser des programmes scolaires et des séquences didactiques qui en redonnant un
passé aux filles leur permettent de se construire un avenir.
Dans une École mixte ne faut-il pas enseigner une histoire mixte ? Sans quoi comment
les filles, les femmes se sentiront-elles autorisées à accéder aux pouvoirs publics, à des postes
à responsabilité, à la recherche, à la création (dans la société civile et pourquoi pas dans
l’Eglise !)? Si elles ne savent pas de façon officiellement reconnue d’où elles viennent, quel
est leur passé, comment vont-elles déterminer où elles veulent aller? A un public mixte il
convient d’enseigner le passé de sociétés mixtes où les femmes n’étaient ni muettes, ni
inactives, dominées certes mais présentes.
Venons en au sujet annoncé !
Considérée tout particulièrement comme « une affaire d’hommes », l’histoire de la
colonisation a elle aussi longtemps été écrite au masculin. Or les femmes comme les hommes
sont au cœur du fait colonial, figures essentielles, soumises, victimes ou héroïnes. Epouses,
exploratrices, aventurières ou missionnaires, elles ont participé à l’aventure coloniale. Par leur
présence, par leur action, elles ont, elles aussi transformé les sociétés coloniales.
Tout particulièrement oubliées de cette page de l’histoire, les femmes missionnaires.
Certes de nombreux travaux attestent de leur présence très tôt dans les colonies mais leur rôle
en tant que femmes missionnaires est le plus souvent passé sous silence. L’article Education
et Mission du Dictionnaire œcuménique de missiologie n’utilise pas une seule fois le mot
femme ! Ce « silence de l’histoire » s’explique en grande partie par l’absence de dialogue
entre historiens du fait colonial, des missions et du genre. Or chacun de ces champs est
aujourd’hui riche des acquis de la recherche.
3
B.O des 19 juin 2008 et 28 aout 2008
2
Je ne peux faire à ce stade de mon exposé l’économie d’une définition du mot genre en
histoire
Le concept de genre en histoire
En 1949, Simone De Beauvoir écrivait dans le Deuxième Sexe : « On ne naît pas
femme, on le devient ». En 1996, Françoise Héritier dans Masculin/Féminin écrivait : « On ne
naît pas homme, on le devient ». Ces deux citations, qu’un demi-siècle sépare, illustrent les
interrogations sur les fondements historiques et sociaux de l’identité féminine et masculine.
La notion de genre, dont l’utilisation en histoire s’est généralisée dans le dernier tiers du 20ème
siècle, a été centrale pour penser la différence culturelle des sexes. Les nombreuses études qui
lui sont attachées reposent toutes sur l’hypothèse d’une construction sociale et évolutive de la
répartition des rôles entre les hommes et les femmes, et de leur place respective dans la
société.
Pendant longtemps, l’histoire fut produite et enseignée majoritairement par des
hommes : c’était alors une histoire d’hommes mais asexuée car oubliant tant le féminin que le
masculin. Cette histoire qui se veut alors universelle ignore les femmes.
La fin des années 1960 et le début des années 1970 constituent un tournant : la
libéralisation des mœurs et la montée des revendications féministes remettent en cause cette
version de l’histoire. Naît alors une histoire des femmes, très productive, qui tente de combler
les vides.
Des limites apparaissent cependant dans les colloques des années 1980. Ainsi, celui de
1984, Une histoire des femmes est-elle possible ? organisé par Michelle Perrot où apparaît
alors la nécessité de confronter le masculin et le féminin, d’étudier le rapport entre les sexes
dans leur complexité et leur diversité, d’incorporer l’histoire des femmes à l’histoire générale
pour modifier le regard porté par et sur cette dernière.
On entre alors davantage dans une histoire du genre.
Le concept de genre (gender) est d’abord un concept utilisé par les psychologues
américains des années 1950: il s’agissait de différencier le sexe biologique et le genre
socioculturel, différence apparue chez certains patients.
Cette notion est ensuite reprise par les sociologues dès les années 1960 pour exprimer le
sexe social. Ce sont les travaux de Joan W.Scott en 1988 qui transfèrent le concept en histoire
3
et qui influencent les historiens.es français.es des années 1980 et 1990.
Ce concept de genre fait alors sensiblement évoluer les différents travaux de différentes
manières :
- en mettant l’accent sur l’histoire des relations réelles et symboliques entre hommes et
femmes, redonnant toute leur place aux contextes, à la construction des rôles et des identités
de sexe,
- en proposant une relecture sexuée d’événements historiques, en y introduisant une
mixité qui devient alors une nouvelle grille de lecture,
- en éclaircissant les significations en terme de rapports sexués c’est à dire en essayant
de comprendre comment les sociétés différencient hommes et femmes, quels discours elles en
retirent et quelles en sont les conséquences sur la place de chacun dans les rapports de
pouvoir,
- en favorisant l’émergence d’une histoire des hommes, des masculinités et des virilités
qui s’identifie comme telle.
Les auteur.es anglophones utilisent « gender » parce que « sex » en anglais renvoie
beaucoup plus strictement qu’en français à une définition biologique du masculin et du
féminin. Cependant en France ce concept n’est pas d’un usage facile. On lui a préféré
longtemps (toujours ?) celui de « rôles sexuels », « rapport sociaux de sexe »...
En tout cas les débats à propos de la polysémie du terme attestent que la recherche
universitaire est sans conteste d’une grande richesse depuis presque un demi siècle. En
proposant enseignements, séminaires, revues elle a donné une plus grande visibilité et
lisibilité à ce qui avait longtemps été un des « silences de l’histoire »4
Est-ce le cas pour le genre en contexte colonial et plus particulièrement pour le genre de
la mission ?
Pendant longtemps la recherche francophone a fait preuve d’une totale cécité à l’égard
4
Perrot, M. (1998), Les femmes ou les silences de l'histoire, Flammarion.
4
de l’histoire des femmes et du genre pendant la période coloniale. Le fait colonial étant une
affaire d’hommes, on en a oublié qu’il ne s’exerçait pas que sur des hommes, et que, dans leur
entreprise, les Européens avaient aussi souvent entraîné des femmes (épouse, sœur, fille,
demoiselle missionnaire, religieuse…) et colonisé des hommes et des femmes. Pourtant
comme le souligne Arlette Gautier : « C’est la construction même des genres, c’est à dire à la
fois ce qui était attendu en fonction du sexe et les rapports entre les sexes, qui a été
bouleversé par les différentes colonisations »5
, en métropole comme dans les colonies.
Si la colonisation est un phénomène aujourd’hui bien étudié, on ne peut pas en dire
autant de celui des femmes colonisées ou colonisatrices. Et pourtant les femmes ont été
nombreuses dans les colonies mais leur contribution est le plus souvent passée sous silence.
L’histoire des femmes en période coloniale n’en est qu’à ses débuts. Cependant depuis
une vingtaine d’années, un certain nombre de travaux a privilégié une approche genrée du
phénomène, travaux plus anglophones que francophones (un passé qui ne passe pas ?). Et
surtout travaux qui ne croisent pas ou très peu ceux des historiens des missions…
L’étude des femmes en mission dans un contexte colonial, bien que d’un grand intérêt, est
difficile à mener pour différentes raisons :
• Leur rôle a souvent été passé sous silence par les Eglises mêmes. L’histoire des
missions se penchant surtout sur la politique romaine et sur le clergé missionnaire cite
très peu les femmes (d’ailleurs ces femmes n’ont pas droit au qualificatif de
« missionnaire »). Dérive classique de l’écriture de l’histoire, on ne s’est intéressé qu’à
certaines femmes particulièrement remarquables.
• Leur rôle a également été passé sous silence par les historiennes des femmes freinées
par un certain anticléricalisme.
• Une difficulté tient aux sources provenant des femmes missionnaires elles-mêmes :
très peu nombreuses, elles livrent peu de renseignement sur leur préoccupation
personnelle (manque de temps ? modestie ? « censure » ?).
• Une autre difficulté tient à l’éparpillement dans le temps et dans l’espace des études
menées qui empêchent d’avoir une vision synthétique de la question des femmes en
mission. A ce jour seule la thèse publiée d’Elisabeth Dufourcq6
s’est efforcée de
mener ce travail d’ensemble dans une vaste fresque qui s’étend sur trois siècles.
5
Arlette Gautier, « Femmes et colonialisme » dans Ferro Marc (dir.), Le livre noir du
colonialisme, Laffont, 2003, p.569-607.
6
Elisabeth Dufourcq, Les aventurières de Dieu, Perrin, 1993.
5
La problématique depuis quelques années interroge la recherche : colloques, publications
ont vu le jour. Les historiennes s’intéressant aux figures de femmes en contexte colonial ont
mis en lumière au grès de leurs travaux des femmes missionnaires membres de congrégation
comme Anne-Marie Javouhey ou Emilie de Vialar ou des femmes laïques comme Françoise
Perroton.
Cet éclairage reste pourtant faible au regard du nombre de femmes dans l’action
missionnaire en France. Selon Claude Prudhomme7
, en 1934 sur un total de 35 996
missionnaires, 57% sont des femmes. Or les missionnaires sont « surtout représentées au
masculin alors que le monde des missionnaires est en réalité majoritairement masculin ».
Donc un bilan historiographique en demi-teinte, avec des domaines entiers encore
pratiquement vierges comme l’impact du contexte colonial sur les congrégations, l’action des
femmes missionnaires dans les colonies, les rapports entre les hommes et les femmes dans
l’entreprise missionnaire, la modification des rapports sociaux de sexe qu’induisent les
méthodes éducatives…
Qu’est-ce qu’être missionnaire au féminin?
Il est difficile de répondre à la question, du fait de la multiplicité dans le temps et dans
l’espace des actions missionnaires et des sociétés colonisées.
Dans le christianisme primitif, les femmes ont leur place dans la mission
d’évangélisation mais progressivement l’Eglise les cantonne dans la vie religieuse cloitrée à
l’écart du monde, en général contemplative. Au XVIème siècle, dans le contexte de la
Réforme et de la Contre-Réforme se produit un mouvement de création de congrégations
féminines, qui dans un désir de rénovation religieuse et de rechristianisation prennent une
orientation missionnaire. Ce mouvement se reproduit après la Révolution française et dans la
seconde moitié du XIXème siècle.
Cependant la mission n’est pas la même selon qu’il s’agit de femmes catholiques ou
protestantes. Ces dernières accompagnaient leur mari pasteur dans des colonies et les
assistaient dans leur tâche (enseignement, réunion de femmes, formation aux soins…) .
Jocelyn Murray voit en elles des « invisible women »8
tant leur action n’a jamais été reconnue.
7
Cité par Rebecca Rogers, Religion et colonisation, Paris, Les éditions de l’Atelier, 2009,
p.96.
8
Jocelyn Murray, The Role of Women in the CMS, 1799-1915, Richmond, Curson Press,
2000.
6
Les femmes célibataires laics catholiques, les demoiselles missionnaires comme on les
appelait alors, envoyées en mission ont davantage d’autonomie mais remplissent grosso modo
les mêmes tâches. Quant aux religieuses, se rajoutent à leur tâche le catéchisme, la gestion des
hopitaux…
Toutefois, il est difficile de dresser un tableau uniforme de l’action missionnaire au
féminin. Pour l’Empire français on retiendra principalement les Sœurs de Saint-Joseph de
Cluny, les Sœurs de l’Immaculée-Conception, les sœurs de Notre-Dame d’Afrique (sœurs
blanches du cardinal de Lavigerie). Attardons nous un instant sur ces femmes :
Anne-Marie Javouhey9
, née en 1779, est la fondatrice des sœurs de Saint-Joseph de
Cluny, la plus importante congrégation missionnaire féminine reconnue en 1807 par l’évêque
d’Autun. Grâce à un partenariat avec le ministère des Colonies et de la Marine, la
congrégation envoie ses représentantes dans tous les territoires sous domination française. En
1851 la congrégation compte 1 121 sœurs dont 345 dans les colonies. Elle implante dès 1821
les premières écoles de filles (de jeunes « négresses ») à Saint-Louis du Sénégal. Dans la
colonie de Mana en Guyane, elle rachète des esclaves, les affranchit et les forme au travail
agricole. « Madame Javouhey ! C’est un grand homme » se serait exclamé Louis Philippe. La
congrégation connaît un essor fulgurant. A la fin du XIXème siècle 15 000 filles africaines,
océaniennes et antillaises sont scolarisées dans les écoles de la congégation.
Emilie de Vialar10
, fondatrice de la congrégation de Saint Joseph de l’Apparition,
s’installe quant à elle en 1835 en Algérie. En 1839 on compte une quarantaine de religieuses à
Alger mais aussi à Bône et à Constantine ainsi que des asiles, des écoles et des hopitaux où
elle dispensait soins médicaux, charité et leçons religieuses. En 1842, refusant l’ingérence de
l’évêque d’Alger dans les affaires de sa congrégation elle est contrainte au départ car jugée
trop active et trop indépendante ! Elle poursuit sa mission en Tunisie. Lorsqu’elle meurt en
1856, sa congrégation est présente dans tout le pourtour méditerranéen, à Malte et dans
l’empire Ottoman, y compris en Terre sainte.
Sœur Marie-André du Sacré-Cœur, née en 1899, religieuse de l’ordre des Sœurs
blanches qaunt à elle part en Afrique occidentale française en 1932. Elle y procède à de
minutieuses enquêtes sur les pratiques juridiques et la vie quotidienne11
. Elle diffuse ses
résultats par le biais de conférences et de publications.
Ainsi quel que que soit leur statut, laïc ou religieux, semblent peser sur les femmes en
9
Rebecca Rogers, A l’école arabe de Mme Luce, L’Histoire n° 371, janvier 2012, page 54.
10
Rebecca Rogers, op.cit.
11
Sœur Marie-André du Sacré-Cœur, La femme noire en Afrique occidentale, Payot, 1939.
7
mission des assignations classiques de genre : éducation, soin…
Peut-on parler d’un genre de la mission ?
Là comme ailleurs, la nature du travail reste sexuée : les hommes prêchent, évangélisent,
donnent les sacrements, les femmes éduquent et soignent.
Quelques questions émargent : ne peut-on pas parler d’une action missionnaire au féminin
qui modifie ces attributions ? Quel impact a eu l’action missionnaire sur l’éducation des
filles ? La problématique du progrès était-elle censée s’adresser aussi aux femmes ? La
mission en contexte colonial a-t-elle été pour elles « civilisatrice » voire émancipatrice ou au
contraire conservatrice, régressive, déstabilisante ?
L’éducation, objectif souvent avancé pour légitimer le fait colonial ne semble avoir guère
touché les filles et a même creusé les écarts entre filles et garçons. D’après l’UNESCO, en
1950 le pourcentage d’enfants scolarisés dans le primaire est de 10% dans les colonies
françaises. En Algérie sur ces 10% seulement 1/3 sont des filles. En AOF, en 1908, on compte
une fille pour 11 garçons scolarisés, en 1938 une fille pour 9 garçons, en 1954 une fille pour
5 garçons. Ces différences sont, en grande partie, du fait de l’administration coloniale qui a
des réticences à ouvrir l’enseignement aux filles.
Quels ont été les facteurs à l’origine de cette sous-scolarisation féminines ? Il
semblerait qu’ils soient le fait de tous les acteurs de l’éducation , aussi bien des Pères et des
Sœurs que de la population locale masculine et féminine. Ils sont essentiellement d’ordre
socio-culturel, puis économique et enfin liés à un manque de qualification des missionnaires :
• Sexisme des Pères envers les petites filles indigènes qu’ils jugent « ingérables »
• Sexisme des Pères envers les religieuses qui du coup ne s’occupaient plus assez
d’eux
• Manque de compétence des Sœurs qui parlaient peu anglais et n’étaient pas
formées aux tâches éducatives
• Résistances des mères qui trouvaient que leurs filles n’étaient plus élevées dans la
tradition
• ….
La scolarisation aggrave également les écarts sociaux puisqu’elle pénètre en premier chez
les notables. De plus, elle pose paradoxalement le problème de l’avenir des filles éduquées.
Quel mari pour ces filles trop savantes ?
8
Il est intéressant aussi de regarder quel modèle de féminité est proposé à travers les
programmes d’enseignements.
Cet enseignement est avant tout idéologique et dispense les valeurs de la bourgeoisie
européenne en proposant des cours de morale, de couture, de cuisine et de santé. Son objectif
est de transformer les Africaines en mères compétentes et épouses vertueuses. Le cas de
l’école des fiancées du Cameroun est à ce titre intéressant. On y prépare alors dans ses murs
de futures épouses sachant fabriquer des vêtements décents cachant leur nudité et sachant
tenir leur foyer. Un enseignement essentiellement domestique donc !
Certaines historiennes n’hésitent pas à parler « d’échec de la mission civilisatrice »
car, disent-elles, si le discours se veut émancipateur en se proposant d’améliorer le statut des
femmes grâce à l’instruction et au mariage monogame, il renforce en fait la domestication et
la dépendance économiques des femmes (on retrouve fréquemment des anciennes élèves
domestiques chez des Européennes !).
Ainsi, éduquer les filles s’est inscrit dans une préoccupation très européenne d’opérer
des transformations sociales à travers la formation de bonnes épouses et mères de famille. Il y
aurait donc eu contradiction entre les objectifs affichés et les pratiques. Toutes et tous,
administrateurs ou missionnaires ont réalisé des efforts louables mais peu libérateurs pour les
femmes colonisées.
Les missionnaires se montrèrent également intransigeants vis à vis de la polygamie. A
travers l’éducation et l’évangélisation c’est toute une modification de la famille qui était
visée.
Si l’on évoque le genre de la mission, il nous faut aussi analyser les rapports de
pouvoir au sein de la mission :
Quels effets a eu la mission en contexte colonial sur le système de genre, défini à la fois
comme un ensemble de rôles sociaux sexués et un système de représentations définissant
culturellement le masculin et le féminin ? A-t-elle fait bouger les identités de genre ?
Si la décision du départ en mission semble à priori virile on sait peu de choses sur les
motivations de ces femmes. Qu’est-ce qui les pousse à partir si loin ? Qu’attendent-elles de
cette nouvelle vie ?
Il y aurait une motivation liée au charisme de la fondatrice qui rajouterait une vocation
missionnaire à la vocation religieuse.
L’activité missionnaire ouvre également un espace réservé aux hommes dans les
métropoles européennes. Partent en mission des femmes qui ont le gout de l’aventure mais
9
aussi un désir de promotion sociale. En quelque sorte un « féminisme en religion. »12
Etudier les femmes en mission ne peut faire l’économie d’une analyse de leur relation
avec les hommes missionnaires.
Si les missionnaires catholiques semblent avoir eu une plus grande liberté d’action que
leurs consoeurs protestantes, les cas sont nombreux de religieuses missionnaires victimes de
sexisme de la part de leur hiérarchie ou de l’évêque. Je cite le Père Lejeune, préfet de la
Mission dans le Sud-Est du Nigéria : « Les Sœurs en général et les Sœurs de Saint Joseph en
particulier malgré la sublimité de leur sacrifice sont loin de répondre aux besoins de la
Mission. Elles ont de l’éducation des filles des idées bien étranges et elles se prétendent trop
indépendantes (…) je ne les laisserai pas agir à leur guise. »13
Emilie de Vialar, jugée trop active et indépendante par l’évêque d’Alger fut contrainte de
partir !
Conclusion
Les femmes missionnaires en situation coloniale ont été doublement négligées :
comme sujets de l’histoire par les colonisateurs puis comme sujets d’étude par les historiens.
Femmes, épouses, sœurs, filles de missionnaires, membres de congrégations féminines,
catholiques ou protestantes, par leur nombre et leur engagement méritent pourtant une
véritable visibilité dans une histoire coloniale et postcoloniale encore en train de s’écrire.
En croisant les recherches sur la colonisation, la mission et le genre, on est amené à
nuancer ce que l’on croyait savoir : d’une part elles ont été des actrices, d’autre part elles
n’ont pas été affectés de la même manière que les hommes par ces processus historiques.
Au regard de la recherche actuelle, on peut dire que c’est la construction même des
genres, c’est-à-dire à la fois ce qui était attendu en fonction du sexe et les rapports entre les
12
Yvonne Turin, Femmes et religieuses au XIXe siècle. Le féminisme en religion, Paris,
Nouvelle-Cité, 1989.
13
Estelle Pagnon, « Une œuvre inutile » ? La scolarisation des filles par les missionnaires
catholiques dans le sud-est du Nigéria (1885-1930), Clio, Histoire, Femmes et Sociétés, n°6,
1997.
10
sexes qui a été bouleversé.
Pas d’histoire de l’action missionnaire en contexte colonial sans elles mais attention de
ne pas faire des histoires parallèles.
Par ailleurs, on est conscient que l’approche genrée n’est pas la seule clé
d’interprétation de la mission en contexte colonial, mais qu’elle y a cependant toute sa place.
11
BIBLIOGRAPHIE
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- Le livre noir du colonialisme, sous la direction de Marc Ferro, Robert Laffont, 2003
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Blanchoin, Nicolas Bancel, Gilles Boëtsch et Hubert Gerbeau, Paris, Syros, 1995.
- Transmettre les passés, les responsabilités de l’Université, Nazisme, Vichy et conflits
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Sur l’histoire des femmes et du genre en période coloniale :
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- La femme au temps des colonies, Yvonne Knibielher et Régine Goutalier, Paris, Stock,
1985.
- Ecrire l’histoire des femmes, Françoise Thébaud, Fontenay-aux-Roses, ENS Editions,
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- Femmes d’Afrique dans une société en mutation, sous la direction de Philippe Denis et
Caroline Sappia, collection « espace Afrique », Academia Bruylant, 2004.
- La place des femmes dans l’histoire, une histoire mixte, sous la coordination de
Geneviève Dermenjian, Irène Jami, Annie Rouquier, Françoise Thébaud, Paris, Belin,
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Sur les femmes missionnaires :
- Femmes et religieuses au XIXe siècle. Le féminisme en religion, Yvonne Turin, Paris,
Nouvelle-Cité, 1989.
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sous la direction de Marie-Thérèse Maleissye, Lyon, Editions lyonnaises d’Art et
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- Les aventurières de Dieu. Trois siècles d’histoire missionnaire française, Elisabeth
Dufourcq, Paris, Editions Jean-Claude Lattès, 1993.
- The Role of Women in the CMS, Jocelyn Murray, 1799-1915, Richmond, Curson
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- Dictionnaire oecuménique de missiologie. Cents mots pour la mission, sous la
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Editions du Cerf, 2001.
- Anne-Marie Javouhey, Fondatrice de la congrégation des sœurs de Saint-Joseph de
Cluny (1779-1851), Geneviève Lecuir-Némo, Paris, Khartala, 2001.
- Femmes et vocation missionnaire. Permanence des congrégations féminines au
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Lecuir-Némo, thèse d’histoire, Université de Paris I, 1995.
- Missions chrétiennes et colonisation, XVIe-XXe siècles, Claude Prudhomme, Paris, Le
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- « Cinquante ans d’histoire des missions catholiques en France : l’âge universitaire »,
Claude Prudhomme, Histoire et missions chrétiennes, n°1, mars 2007.
- Religions et colonisation, sous la direction de Dominique Borne et Benoit Falaize,
13
Paris, Editions de l’atelier, 2009.
Revues :
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Thébaud, Clio, Histoire, femmes et sociétés, n°6, 1997, consultable intégralement sur
le site http://clio.revues.org
- Education, religion et colonisation en Afrique aux XIXe et XXe siècles, Rebecca
Rogers, Clio, Histoire, femmes et sociétés, n°6, 1997.
- La contradiction missionnaire : discours et pratiques des missionnaires méthodistes
dans le sud-est du Nigéria (1885-1930), Anne Hugon, Clio, Histoire, Femmes et
Sociétés, n°6, 1997.
- « Une œuvre inutile » ? La scolarisation des filles par les missionnaires catholiques
dans le sud-est du Nigéria (1885-1930), Estelle Pagnon, Clio, Histoire, Femmes et
Sociétés, n°6, 1997.
- Femmes du Maghreb, sous la direction de Agnès Fine et Claudine Leduc, Clio,
Histoire, femmes et sociétés, n°9, 1999.
- Marc Michel, La colonisation européenne, Documentation Photographique n° 7042,
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- L’Histoire n°292, novembre 2004, Guerre d’Algérie, ce qu’on savait vraiment.
- L’Histoire n°293, décembre 2004, Afrique, berceau de l’humanité.
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- Colonialisme, sous la direction d’Amandine Lauro, Sextant, Revue du groupe
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14
ANNEXES
15

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Femmes, missions et colo - D santelli

  • 1. LES FEMMES MISSIONNAIRES Un angle mort de l’histoire Jeudi 19 mars 9h15-10h Un des enjeux majeurs du 21ème siècle pour nos sociétés occidentales est sans doute la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, entre les filles et les garçons. L’actualité nous rappelle sans cesse qu’il y a en ce domaine encore beaucoup de chemin à parcourir. Education et formation sont des vecteurs, avec d’autres, de ce chantier encore largement ouvert. Lorsqu’en 1881-1882 les lois de Jules Ferry instaurent l’enseignement primaire, laïc, gratuit et obligatoire pour tous les garçons et toutes les filles, les portes de l’école s’ouvrent effectivement en grand. Pensés essentiellement pour des garçons futurs citoyens-soldats et des filles futures mères de citoyens, les programmes fondent en histoire un roman national unificateur, un panthéon scolaire constitué uniquement de grands hommes. Lorsqu’en 19571 une circulaire impose la mixité dans les classes, ce n’est pas au nom d’une certaine égalité des chances qu’elle serait censée privilégier mais parce que « la crise de croissance de l’enseignement secondaire … nous projette dans une expérience (de la mixité) que nous ne conduisons pas au nom de principes, par ailleurs fort discutés, mais pour servir les familles au plus proche de leur domicile ». Ainsi, depuis 60 ans, l’institution scolaire vit dans l’illusion d’un « universel de l’éducation et du savoir et de la croyance conséquente à l’égalité des chances entre les filles et les garçons »2 Depuis une trentaine d’années, la recherche s’intéresse aux inégalités sexuées qu’une mixité imposée mais pas toujours pensée a provoqué dans les classes de l’école primaire jusqu’au lycée. La mixité au même titre que la laïcité (jusqu’au mois de janvier dernier ?) est considérée comme allant de soi. Elle est perçue comme étant le seul et meilleur moyen de réaliser l’égalité des chances entre filles et garçons. 1 Circulaire du 3 juillet 1957 (lycées et collèges) « Le fonctionnement des établissements mixtes » 2 Fraisse, G. in Manassein, M.(dir.), De l'égalité des sexes, Centre national de documentation pédagogique, 1995. 1
  • 2. Or, lorsqu’on observe ce qui se passe en cours d’histoire du cycle 3 à la terminale force est de constater que cette discipline participe fortement à la construction d’inégalités soit parce que les femmes sont absentes de cette histoire enseignée, soit parce que lorsqu’elles apparaissent, c’est sous forme de stéréotypes de genre (héroïnes, maîtresses, saintes …)3 . L’identification est alors pour les élèves filles difficile quand on ne leur décrit que des destins hors du commun. Quant à la représentation que les garçons se construisent des femmes du passé… S’attaquer aux inégalités filles garçons à l’Ecole consiste donc certes à tenter de modifier les représentations sur l’orientation (le fameux plafond de verre), à prendre conscience de certaines pratiques de classe (on interroge plus les garçons que les filles) mais aussi à penser des programmes scolaires et des séquences didactiques qui en redonnant un passé aux filles leur permettent de se construire un avenir. Dans une École mixte ne faut-il pas enseigner une histoire mixte ? Sans quoi comment les filles, les femmes se sentiront-elles autorisées à accéder aux pouvoirs publics, à des postes à responsabilité, à la recherche, à la création (dans la société civile et pourquoi pas dans l’Eglise !)? Si elles ne savent pas de façon officiellement reconnue d’où elles viennent, quel est leur passé, comment vont-elles déterminer où elles veulent aller? A un public mixte il convient d’enseigner le passé de sociétés mixtes où les femmes n’étaient ni muettes, ni inactives, dominées certes mais présentes. Venons en au sujet annoncé ! Considérée tout particulièrement comme « une affaire d’hommes », l’histoire de la colonisation a elle aussi longtemps été écrite au masculin. Or les femmes comme les hommes sont au cœur du fait colonial, figures essentielles, soumises, victimes ou héroïnes. Epouses, exploratrices, aventurières ou missionnaires, elles ont participé à l’aventure coloniale. Par leur présence, par leur action, elles ont, elles aussi transformé les sociétés coloniales. Tout particulièrement oubliées de cette page de l’histoire, les femmes missionnaires. Certes de nombreux travaux attestent de leur présence très tôt dans les colonies mais leur rôle en tant que femmes missionnaires est le plus souvent passé sous silence. L’article Education et Mission du Dictionnaire œcuménique de missiologie n’utilise pas une seule fois le mot femme ! Ce « silence de l’histoire » s’explique en grande partie par l’absence de dialogue entre historiens du fait colonial, des missions et du genre. Or chacun de ces champs est aujourd’hui riche des acquis de la recherche. 3 B.O des 19 juin 2008 et 28 aout 2008 2
  • 3. Je ne peux faire à ce stade de mon exposé l’économie d’une définition du mot genre en histoire Le concept de genre en histoire En 1949, Simone De Beauvoir écrivait dans le Deuxième Sexe : « On ne naît pas femme, on le devient ». En 1996, Françoise Héritier dans Masculin/Féminin écrivait : « On ne naît pas homme, on le devient ». Ces deux citations, qu’un demi-siècle sépare, illustrent les interrogations sur les fondements historiques et sociaux de l’identité féminine et masculine. La notion de genre, dont l’utilisation en histoire s’est généralisée dans le dernier tiers du 20ème siècle, a été centrale pour penser la différence culturelle des sexes. Les nombreuses études qui lui sont attachées reposent toutes sur l’hypothèse d’une construction sociale et évolutive de la répartition des rôles entre les hommes et les femmes, et de leur place respective dans la société. Pendant longtemps, l’histoire fut produite et enseignée majoritairement par des hommes : c’était alors une histoire d’hommes mais asexuée car oubliant tant le féminin que le masculin. Cette histoire qui se veut alors universelle ignore les femmes. La fin des années 1960 et le début des années 1970 constituent un tournant : la libéralisation des mœurs et la montée des revendications féministes remettent en cause cette version de l’histoire. Naît alors une histoire des femmes, très productive, qui tente de combler les vides. Des limites apparaissent cependant dans les colloques des années 1980. Ainsi, celui de 1984, Une histoire des femmes est-elle possible ? organisé par Michelle Perrot où apparaît alors la nécessité de confronter le masculin et le féminin, d’étudier le rapport entre les sexes dans leur complexité et leur diversité, d’incorporer l’histoire des femmes à l’histoire générale pour modifier le regard porté par et sur cette dernière. On entre alors davantage dans une histoire du genre. Le concept de genre (gender) est d’abord un concept utilisé par les psychologues américains des années 1950: il s’agissait de différencier le sexe biologique et le genre socioculturel, différence apparue chez certains patients. Cette notion est ensuite reprise par les sociologues dès les années 1960 pour exprimer le sexe social. Ce sont les travaux de Joan W.Scott en 1988 qui transfèrent le concept en histoire 3
  • 4. et qui influencent les historiens.es français.es des années 1980 et 1990. Ce concept de genre fait alors sensiblement évoluer les différents travaux de différentes manières : - en mettant l’accent sur l’histoire des relations réelles et symboliques entre hommes et femmes, redonnant toute leur place aux contextes, à la construction des rôles et des identités de sexe, - en proposant une relecture sexuée d’événements historiques, en y introduisant une mixité qui devient alors une nouvelle grille de lecture, - en éclaircissant les significations en terme de rapports sexués c’est à dire en essayant de comprendre comment les sociétés différencient hommes et femmes, quels discours elles en retirent et quelles en sont les conséquences sur la place de chacun dans les rapports de pouvoir, - en favorisant l’émergence d’une histoire des hommes, des masculinités et des virilités qui s’identifie comme telle. Les auteur.es anglophones utilisent « gender » parce que « sex » en anglais renvoie beaucoup plus strictement qu’en français à une définition biologique du masculin et du féminin. Cependant en France ce concept n’est pas d’un usage facile. On lui a préféré longtemps (toujours ?) celui de « rôles sexuels », « rapport sociaux de sexe »... En tout cas les débats à propos de la polysémie du terme attestent que la recherche universitaire est sans conteste d’une grande richesse depuis presque un demi siècle. En proposant enseignements, séminaires, revues elle a donné une plus grande visibilité et lisibilité à ce qui avait longtemps été un des « silences de l’histoire »4 Est-ce le cas pour le genre en contexte colonial et plus particulièrement pour le genre de la mission ? Pendant longtemps la recherche francophone a fait preuve d’une totale cécité à l’égard 4 Perrot, M. (1998), Les femmes ou les silences de l'histoire, Flammarion. 4
  • 5. de l’histoire des femmes et du genre pendant la période coloniale. Le fait colonial étant une affaire d’hommes, on en a oublié qu’il ne s’exerçait pas que sur des hommes, et que, dans leur entreprise, les Européens avaient aussi souvent entraîné des femmes (épouse, sœur, fille, demoiselle missionnaire, religieuse…) et colonisé des hommes et des femmes. Pourtant comme le souligne Arlette Gautier : « C’est la construction même des genres, c’est à dire à la fois ce qui était attendu en fonction du sexe et les rapports entre les sexes, qui a été bouleversé par les différentes colonisations »5 , en métropole comme dans les colonies. Si la colonisation est un phénomène aujourd’hui bien étudié, on ne peut pas en dire autant de celui des femmes colonisées ou colonisatrices. Et pourtant les femmes ont été nombreuses dans les colonies mais leur contribution est le plus souvent passée sous silence. L’histoire des femmes en période coloniale n’en est qu’à ses débuts. Cependant depuis une vingtaine d’années, un certain nombre de travaux a privilégié une approche genrée du phénomène, travaux plus anglophones que francophones (un passé qui ne passe pas ?). Et surtout travaux qui ne croisent pas ou très peu ceux des historiens des missions… L’étude des femmes en mission dans un contexte colonial, bien que d’un grand intérêt, est difficile à mener pour différentes raisons : • Leur rôle a souvent été passé sous silence par les Eglises mêmes. L’histoire des missions se penchant surtout sur la politique romaine et sur le clergé missionnaire cite très peu les femmes (d’ailleurs ces femmes n’ont pas droit au qualificatif de « missionnaire »). Dérive classique de l’écriture de l’histoire, on ne s’est intéressé qu’à certaines femmes particulièrement remarquables. • Leur rôle a également été passé sous silence par les historiennes des femmes freinées par un certain anticléricalisme. • Une difficulté tient aux sources provenant des femmes missionnaires elles-mêmes : très peu nombreuses, elles livrent peu de renseignement sur leur préoccupation personnelle (manque de temps ? modestie ? « censure » ?). • Une autre difficulté tient à l’éparpillement dans le temps et dans l’espace des études menées qui empêchent d’avoir une vision synthétique de la question des femmes en mission. A ce jour seule la thèse publiée d’Elisabeth Dufourcq6 s’est efforcée de mener ce travail d’ensemble dans une vaste fresque qui s’étend sur trois siècles. 5 Arlette Gautier, « Femmes et colonialisme » dans Ferro Marc (dir.), Le livre noir du colonialisme, Laffont, 2003, p.569-607. 6 Elisabeth Dufourcq, Les aventurières de Dieu, Perrin, 1993. 5
  • 6. La problématique depuis quelques années interroge la recherche : colloques, publications ont vu le jour. Les historiennes s’intéressant aux figures de femmes en contexte colonial ont mis en lumière au grès de leurs travaux des femmes missionnaires membres de congrégation comme Anne-Marie Javouhey ou Emilie de Vialar ou des femmes laïques comme Françoise Perroton. Cet éclairage reste pourtant faible au regard du nombre de femmes dans l’action missionnaire en France. Selon Claude Prudhomme7 , en 1934 sur un total de 35 996 missionnaires, 57% sont des femmes. Or les missionnaires sont « surtout représentées au masculin alors que le monde des missionnaires est en réalité majoritairement masculin ». Donc un bilan historiographique en demi-teinte, avec des domaines entiers encore pratiquement vierges comme l’impact du contexte colonial sur les congrégations, l’action des femmes missionnaires dans les colonies, les rapports entre les hommes et les femmes dans l’entreprise missionnaire, la modification des rapports sociaux de sexe qu’induisent les méthodes éducatives… Qu’est-ce qu’être missionnaire au féminin? Il est difficile de répondre à la question, du fait de la multiplicité dans le temps et dans l’espace des actions missionnaires et des sociétés colonisées. Dans le christianisme primitif, les femmes ont leur place dans la mission d’évangélisation mais progressivement l’Eglise les cantonne dans la vie religieuse cloitrée à l’écart du monde, en général contemplative. Au XVIème siècle, dans le contexte de la Réforme et de la Contre-Réforme se produit un mouvement de création de congrégations féminines, qui dans un désir de rénovation religieuse et de rechristianisation prennent une orientation missionnaire. Ce mouvement se reproduit après la Révolution française et dans la seconde moitié du XIXème siècle. Cependant la mission n’est pas la même selon qu’il s’agit de femmes catholiques ou protestantes. Ces dernières accompagnaient leur mari pasteur dans des colonies et les assistaient dans leur tâche (enseignement, réunion de femmes, formation aux soins…) . Jocelyn Murray voit en elles des « invisible women »8 tant leur action n’a jamais été reconnue. 7 Cité par Rebecca Rogers, Religion et colonisation, Paris, Les éditions de l’Atelier, 2009, p.96. 8 Jocelyn Murray, The Role of Women in the CMS, 1799-1915, Richmond, Curson Press, 2000. 6
  • 7. Les femmes célibataires laics catholiques, les demoiselles missionnaires comme on les appelait alors, envoyées en mission ont davantage d’autonomie mais remplissent grosso modo les mêmes tâches. Quant aux religieuses, se rajoutent à leur tâche le catéchisme, la gestion des hopitaux… Toutefois, il est difficile de dresser un tableau uniforme de l’action missionnaire au féminin. Pour l’Empire français on retiendra principalement les Sœurs de Saint-Joseph de Cluny, les Sœurs de l’Immaculée-Conception, les sœurs de Notre-Dame d’Afrique (sœurs blanches du cardinal de Lavigerie). Attardons nous un instant sur ces femmes : Anne-Marie Javouhey9 , née en 1779, est la fondatrice des sœurs de Saint-Joseph de Cluny, la plus importante congrégation missionnaire féminine reconnue en 1807 par l’évêque d’Autun. Grâce à un partenariat avec le ministère des Colonies et de la Marine, la congrégation envoie ses représentantes dans tous les territoires sous domination française. En 1851 la congrégation compte 1 121 sœurs dont 345 dans les colonies. Elle implante dès 1821 les premières écoles de filles (de jeunes « négresses ») à Saint-Louis du Sénégal. Dans la colonie de Mana en Guyane, elle rachète des esclaves, les affranchit et les forme au travail agricole. « Madame Javouhey ! C’est un grand homme » se serait exclamé Louis Philippe. La congrégation connaît un essor fulgurant. A la fin du XIXème siècle 15 000 filles africaines, océaniennes et antillaises sont scolarisées dans les écoles de la congégation. Emilie de Vialar10 , fondatrice de la congrégation de Saint Joseph de l’Apparition, s’installe quant à elle en 1835 en Algérie. En 1839 on compte une quarantaine de religieuses à Alger mais aussi à Bône et à Constantine ainsi que des asiles, des écoles et des hopitaux où elle dispensait soins médicaux, charité et leçons religieuses. En 1842, refusant l’ingérence de l’évêque d’Alger dans les affaires de sa congrégation elle est contrainte au départ car jugée trop active et trop indépendante ! Elle poursuit sa mission en Tunisie. Lorsqu’elle meurt en 1856, sa congrégation est présente dans tout le pourtour méditerranéen, à Malte et dans l’empire Ottoman, y compris en Terre sainte. Sœur Marie-André du Sacré-Cœur, née en 1899, religieuse de l’ordre des Sœurs blanches qaunt à elle part en Afrique occidentale française en 1932. Elle y procède à de minutieuses enquêtes sur les pratiques juridiques et la vie quotidienne11 . Elle diffuse ses résultats par le biais de conférences et de publications. Ainsi quel que que soit leur statut, laïc ou religieux, semblent peser sur les femmes en 9 Rebecca Rogers, A l’école arabe de Mme Luce, L’Histoire n° 371, janvier 2012, page 54. 10 Rebecca Rogers, op.cit. 11 Sœur Marie-André du Sacré-Cœur, La femme noire en Afrique occidentale, Payot, 1939. 7
  • 8. mission des assignations classiques de genre : éducation, soin… Peut-on parler d’un genre de la mission ? Là comme ailleurs, la nature du travail reste sexuée : les hommes prêchent, évangélisent, donnent les sacrements, les femmes éduquent et soignent. Quelques questions émargent : ne peut-on pas parler d’une action missionnaire au féminin qui modifie ces attributions ? Quel impact a eu l’action missionnaire sur l’éducation des filles ? La problématique du progrès était-elle censée s’adresser aussi aux femmes ? La mission en contexte colonial a-t-elle été pour elles « civilisatrice » voire émancipatrice ou au contraire conservatrice, régressive, déstabilisante ? L’éducation, objectif souvent avancé pour légitimer le fait colonial ne semble avoir guère touché les filles et a même creusé les écarts entre filles et garçons. D’après l’UNESCO, en 1950 le pourcentage d’enfants scolarisés dans le primaire est de 10% dans les colonies françaises. En Algérie sur ces 10% seulement 1/3 sont des filles. En AOF, en 1908, on compte une fille pour 11 garçons scolarisés, en 1938 une fille pour 9 garçons, en 1954 une fille pour 5 garçons. Ces différences sont, en grande partie, du fait de l’administration coloniale qui a des réticences à ouvrir l’enseignement aux filles. Quels ont été les facteurs à l’origine de cette sous-scolarisation féminines ? Il semblerait qu’ils soient le fait de tous les acteurs de l’éducation , aussi bien des Pères et des Sœurs que de la population locale masculine et féminine. Ils sont essentiellement d’ordre socio-culturel, puis économique et enfin liés à un manque de qualification des missionnaires : • Sexisme des Pères envers les petites filles indigènes qu’ils jugent « ingérables » • Sexisme des Pères envers les religieuses qui du coup ne s’occupaient plus assez d’eux • Manque de compétence des Sœurs qui parlaient peu anglais et n’étaient pas formées aux tâches éducatives • Résistances des mères qui trouvaient que leurs filles n’étaient plus élevées dans la tradition • …. La scolarisation aggrave également les écarts sociaux puisqu’elle pénètre en premier chez les notables. De plus, elle pose paradoxalement le problème de l’avenir des filles éduquées. Quel mari pour ces filles trop savantes ? 8
  • 9. Il est intéressant aussi de regarder quel modèle de féminité est proposé à travers les programmes d’enseignements. Cet enseignement est avant tout idéologique et dispense les valeurs de la bourgeoisie européenne en proposant des cours de morale, de couture, de cuisine et de santé. Son objectif est de transformer les Africaines en mères compétentes et épouses vertueuses. Le cas de l’école des fiancées du Cameroun est à ce titre intéressant. On y prépare alors dans ses murs de futures épouses sachant fabriquer des vêtements décents cachant leur nudité et sachant tenir leur foyer. Un enseignement essentiellement domestique donc ! Certaines historiennes n’hésitent pas à parler « d’échec de la mission civilisatrice » car, disent-elles, si le discours se veut émancipateur en se proposant d’améliorer le statut des femmes grâce à l’instruction et au mariage monogame, il renforce en fait la domestication et la dépendance économiques des femmes (on retrouve fréquemment des anciennes élèves domestiques chez des Européennes !). Ainsi, éduquer les filles s’est inscrit dans une préoccupation très européenne d’opérer des transformations sociales à travers la formation de bonnes épouses et mères de famille. Il y aurait donc eu contradiction entre les objectifs affichés et les pratiques. Toutes et tous, administrateurs ou missionnaires ont réalisé des efforts louables mais peu libérateurs pour les femmes colonisées. Les missionnaires se montrèrent également intransigeants vis à vis de la polygamie. A travers l’éducation et l’évangélisation c’est toute une modification de la famille qui était visée. Si l’on évoque le genre de la mission, il nous faut aussi analyser les rapports de pouvoir au sein de la mission : Quels effets a eu la mission en contexte colonial sur le système de genre, défini à la fois comme un ensemble de rôles sociaux sexués et un système de représentations définissant culturellement le masculin et le féminin ? A-t-elle fait bouger les identités de genre ? Si la décision du départ en mission semble à priori virile on sait peu de choses sur les motivations de ces femmes. Qu’est-ce qui les pousse à partir si loin ? Qu’attendent-elles de cette nouvelle vie ? Il y aurait une motivation liée au charisme de la fondatrice qui rajouterait une vocation missionnaire à la vocation religieuse. L’activité missionnaire ouvre également un espace réservé aux hommes dans les métropoles européennes. Partent en mission des femmes qui ont le gout de l’aventure mais 9
  • 10. aussi un désir de promotion sociale. En quelque sorte un « féminisme en religion. »12 Etudier les femmes en mission ne peut faire l’économie d’une analyse de leur relation avec les hommes missionnaires. Si les missionnaires catholiques semblent avoir eu une plus grande liberté d’action que leurs consoeurs protestantes, les cas sont nombreux de religieuses missionnaires victimes de sexisme de la part de leur hiérarchie ou de l’évêque. Je cite le Père Lejeune, préfet de la Mission dans le Sud-Est du Nigéria : « Les Sœurs en général et les Sœurs de Saint Joseph en particulier malgré la sublimité de leur sacrifice sont loin de répondre aux besoins de la Mission. Elles ont de l’éducation des filles des idées bien étranges et elles se prétendent trop indépendantes (…) je ne les laisserai pas agir à leur guise. »13 Emilie de Vialar, jugée trop active et indépendante par l’évêque d’Alger fut contrainte de partir ! Conclusion Les femmes missionnaires en situation coloniale ont été doublement négligées : comme sujets de l’histoire par les colonisateurs puis comme sujets d’étude par les historiens. Femmes, épouses, sœurs, filles de missionnaires, membres de congrégations féminines, catholiques ou protestantes, par leur nombre et leur engagement méritent pourtant une véritable visibilité dans une histoire coloniale et postcoloniale encore en train de s’écrire. En croisant les recherches sur la colonisation, la mission et le genre, on est amené à nuancer ce que l’on croyait savoir : d’une part elles ont été des actrices, d’autre part elles n’ont pas été affectés de la même manière que les hommes par ces processus historiques. Au regard de la recherche actuelle, on peut dire que c’est la construction même des genres, c’est-à-dire à la fois ce qui était attendu en fonction du sexe et les rapports entre les 12 Yvonne Turin, Femmes et religieuses au XIXe siècle. Le féminisme en religion, Paris, Nouvelle-Cité, 1989. 13 Estelle Pagnon, « Une œuvre inutile » ? La scolarisation des filles par les missionnaires catholiques dans le sud-est du Nigéria (1885-1930), Clio, Histoire, Femmes et Sociétés, n°6, 1997. 10
  • 11. sexes qui a été bouleversé. Pas d’histoire de l’action missionnaire en contexte colonial sans elles mais attention de ne pas faire des histoires parallèles. Par ailleurs, on est conscient que l’approche genrée n’est pas la seule clé d’interprétation de la mission en contexte colonial, mais qu’elle y a cependant toute sa place. 11
  • 12. BIBLIOGRAPHIE Sur l’histoire du fait colonial : - Colonisation : le droit d’inventaire, sous la direction de Claude Liauzu, Armand Colin, 2004. - Culture coloniale, la France conquise par son Empire, 1871-1931, sous la direction de Pascal Blanchard et de Sandrine Lemaire, Autrement, 2003 - Le livre noir du colonialisme, sous la direction de Marc Ferro, Robert Laffont, 2003 - L’Autre et Nous, « Scènes et Types », sous la direction de Pascal Blanchard, Stéphane Blanchoin, Nicolas Bancel, Gilles Boëtsch et Hubert Gerbeau, Paris, Syros, 1995. - Transmettre les passés, les responsabilités de l’Université, Nazisme, Vichy et conflits coloniaux, sous la direction de Marie-Claire Hoock-Demarle et Claude Liauzu, Paris, Syllepse, 2001. - Dictionnaire de la colonisation française, sous la direction de Claude Liauzu, Paris, Larousse, 2007 Sur l’histoire des femmes et du genre : - De l’utilité du genre, Joan W.Scott, Paris, Fayard, 2012 - Une histoire des femmes est-elle possible? , Perrot, M. (dir.) Rivages, 1984 - Les femmes actrices de l’histoire de France, 1789-1945, Ripa, Y. SEDES, 1999 - L’Histoire sans les femmes est-elle possible ? Sohn, A-M., Thélamon, F. (dir.) Perrin, (1998). - Ecrire l’histoire des femmes, Thébaud, F. ENS Editions, 1998 Sur l’histoire des femmes et du genre en période coloniale : - La femme noire en Afrique occidentale, Sœur Marie-André du Sacré-Cœur, Payot, 1939. - La femme au temps des colonies, Yvonne Knibielher et Régine Goutalier, Paris, Stock, 1985. - Ecrire l’histoire des femmes, Françoise Thébaud, Fontenay-aux-Roses, ENS Editions, 1998. - Les femmes dans la société française au 20° siècle, Christine Bard, Armand Colin, 12
  • 13. 2001. - Femmes et colonialisme, Arlette Gautier dans Marc Ferro (dir.), Le livre noir du colonialisme, Laffont, 2003, page 569-607 - Histoire des femmes en situation coloniale. Afrique et Asie, XXe siècle, sous la direction d’Anne Hugon, éditions Karthala, 2004. - Femmes d’Afrique dans une société en mutation, sous la direction de Philippe Denis et Caroline Sappia, collection « espace Afrique », Academia Bruylant, 2004. - La place des femmes dans l’histoire, une histoire mixte, sous la coordination de Geneviève Dermenjian, Irène Jami, Annie Rouquier, Françoise Thébaud, Paris, Belin, 2010. Sur les femmes missionnaires : - Femmes et religieuses au XIXe siècle. Le féminisme en religion, Yvonne Turin, Paris, Nouvelle-Cité, 1989. - Femmes en Mission. Actes de la XIe session du CREDIC à Saint Flour (aout 1990), sous la direction de Marie-Thérèse Maleissye, Lyon, Editions lyonnaises d’Art et d’histoire, 1991. - Les aventurières de Dieu. Trois siècles d’histoire missionnaire française, Elisabeth Dufourcq, Paris, Editions Jean-Claude Lattès, 1993. - The Role of Women in the CMS, Jocelyn Murray, 1799-1915, Richmond, Curson Press, 2000. - Dictionnaire oecuménique de missiologie. Cents mots pour la mission, sous la direction de Ion Bria, Philippe Chanson, Jacques Gadille, Marc Spindler, Paris, Editions du Cerf, 2001. - Anne-Marie Javouhey, Fondatrice de la congrégation des sœurs de Saint-Joseph de Cluny (1779-1851), Geneviève Lecuir-Némo, Paris, Khartala, 2001. - Femmes et vocation missionnaire. Permanence des congrégations féminines au Sénégal de 1819 à 1960 : adaptation ou mutation ? Impact et insertion, Geneviève Lecuir-Némo, thèse d’histoire, Université de Paris I, 1995. - Missions chrétiennes et colonisation, XVIe-XXe siècles, Claude Prudhomme, Paris, Le Cerf, 2004. - « Cinquante ans d’histoire des missions catholiques en France : l’âge universitaire », Claude Prudhomme, Histoire et missions chrétiennes, n°1, mars 2007. - Religions et colonisation, sous la direction de Dominique Borne et Benoit Falaize, 13
  • 14. Paris, Editions de l’atelier, 2009. Revues : - Femmes d’Afrique , sous la direction de Catherine Coquery-Vidrovitch et Françoise Thébaud, Clio, Histoire, femmes et sociétés, n°6, 1997, consultable intégralement sur le site http://clio.revues.org - Education, religion et colonisation en Afrique aux XIXe et XXe siècles, Rebecca Rogers, Clio, Histoire, femmes et sociétés, n°6, 1997. - La contradiction missionnaire : discours et pratiques des missionnaires méthodistes dans le sud-est du Nigéria (1885-1930), Anne Hugon, Clio, Histoire, Femmes et Sociétés, n°6, 1997. - « Une œuvre inutile » ? La scolarisation des filles par les missionnaires catholiques dans le sud-est du Nigéria (1885-1930), Estelle Pagnon, Clio, Histoire, Femmes et Sociétés, n°6, 1997. - Femmes du Maghreb, sous la direction de Agnès Fine et Claudine Leduc, Clio, Histoire, femmes et sociétés, n°9, 1999. - Marc Michel, La colonisation européenne, Documentation Photographique n° 7042, août 1997. - Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault, La guerre d’Algérie, Documentation Photographique n°8022, août 2001. - L’Histoire n°292, novembre 2004, Guerre d’Algérie, ce qu’on savait vraiment. - L’Histoire n°293, décembre 2004, Afrique, berceau de l’humanité. - L’Histoire n°371, janvier 2012, Femmes et sociétés coloniales. - Collections de L’Histoire, HS n° 11, avril 2001, Le temps des colonies. - TDC n° 840, septembre 2002, La France face à la décolonisation. - Colonialisme, sous la direction d’Amandine Lauro, Sextant, Revue du groupe interdisciplinaire d’études sur les femmes et le genre, n°25, 2008. 14