Facebook pourvoyeur de notre communication politique?
1. Facebook pourvoyeurs de notre
politique ?
Note de lecture &
réflexions à propos de
« Gagnez les élections
avec Internet »
Publié sur Forméo /
TUMBLR
« On vote toujours sous influence
locale » : Ce n'est ni de Hollande, ni de
Di Rupo, cette citation est le fait d’un
mathématicien Autrichien, Paul
Lazarsfeld. Il a scruté l'élection de
Roosevelt. Dans un article, le choix des
gens, il y décrit des électeurs plus
influencés par des personnalités et des
évènements locaux que par les médias
et des informations nationales.
2. Sa conclusion : La politique a besoin
de filtres et de relais. Plus ils sont
proches, plus ils sont efficients.
Les filtres en politique ont pour fonction
de trier. L'information doit être
simplifiée: en octobre, comme pour
l'élection de Roosevelt, quelques
phrases fortes associées à quelques
images symboliques suffisent. Trop
d’informations tuent la communication.
Ce rôle de filtre (Lazersfeld) est tenu par
des relais locaux.
Les relais ont toujours existés: ils
étaient reconnus avant, des notables,
des intellectuels ou des industriels. Ils
sont lus à présent. Quelques dizaines
d'internautes font office de relais entre
les politiques et leurs publics. Un tweet,
un message chez eux vaut bien plus que
des centaines d'affiches. Facebook et
Twitter ont bousculé les concepts : On
ne parle plus de rues ou de quartier,
aujourd’hui, la proximité est sociale.
Ces personnes relais génèrent non
seulement des effets de communautés
3. mais ils influencent directement les
actes des votants.
Ce jeu d'influence nécessite trois règles
(Esquenazi): (a) elle produit de la
notoriété non seulement pour l'homme
politique visé, mais également pour la
personne relais elle-même; (b) elle
renforce les comportements
normalement admis. Contrairement à
l'idée reçue, les réseaux sociaux et les
blogs sont également des véhicules
normatifs. On y écrit, on y partage, ce
qu'il faut majoritairement penser ou
faire; et (c) ces personnes relais
participent directement à la
narcotisation de la politique: les
électeurs, comme aux Etats-Unis,
s'investiraient moins dans la vie sociale
"pour de vrai", se cantonnant à la vivre
au travers de leur réseau.
Qui sont ces créateurs de
communautés, ces faiseurs de rois et
de bourgmestres?
Ils auraient un profil bien défini (Katz):
Ils bénéficient d'une influence
4. personnelle, notamment fonction de la
pertinence de leurs posts mais
également de la taille de leur réseau.
Bien qu'ils s'en défendent, ils sont sous
influence. Ils sont des sujets
particulièrement perméables aux
informations véhiculées par les média et
les discours partisans.
Les anglo-saxons désignent ceci par le
"two step flow": une personne, déjà
intéressée par la politique ou engagée,
suffisamment disponible, reçoit
l'information par des méthodes de veille
ou d’influence. Il la trie subjectivement
puis la diffuse. Dernière particularité: la
personne relais ne se distingue pas
beaucoup du public vers qui elle redirige
l'information. Plus elle en est proche,
plus son impact sera efficace.
Le relais d'opinion fait office en
politique de protecteur: il intercepte
tout ce qui ne doit pas passer. Il aide
ainsi sa communauté dans son choix
d'opinion.
Y-a-t-il des critères pour ce filtre ?
5. Comment la personne relais opère-t-
elle ses choix ? Quels posts, quelles
phrases, quelles photos ?
L’engagement évidemment, le contexte
aussi, mais sur le WEB, c’est l’escapism
qui règne en maître : il faut divertir le
public de son quotidien. Comme la
radio, puis la télé, les réseaux sociaux
sont dirigés par le besoin primaire des
électeurs : faites nous penser à autres
choses, donnez-nous de l’exceptionnel,
de l’amusant… du partageable, du
commentable.
6. La politique souffre donc de la
peopelisation des réseaux. Un bon
message est un message liké,
commenté et partagé. Un bon Tweet est
un tweet retweeté. Nos leaders
d’opinions en ligne sont souvent des
dévoyeurs : ils préfèrent ce qui va créer
le Buzz à ce qui va engendrer de la
réflexion.
Même la colère ou l’indignation face à
certains tweets sont en fait des
réactions attendues : le WEB s’avère plus
normatif que la Télévisions ou la Presse.
Les réseaux sont une excellente
illustration d’un système média de
production industriel (Morin). Ils en sont
l’exacte image du cycle pervers
contradictoire de l’invention et de la
standardisation. On créé pour mieux
normer, on surprend pour mieux
rassurer, on fustige pour mieux faire
voter …
Facebook est plus retord. On parle de
réseaux ou de communautés. Dans les
faits, ce média est plus proche de la
7. logique de club (Miege). Le club est un
bricolage affectif qui permet à une
personne de fédérer une communauté.
La construction repose sur l’identité :
sur mon mur, je parle de moi ; mes
tweets sont le reflets de mes choix
politiques… l’identité et la proximité, je
suis comme vous, deviennent des
arguments.
Les réseaux ont, à l’instar d’autres
média, restructuré les logiques de choix
et de comportements. Le partage offre à
tout un chacun, une tribune : en
retweetant, je participe à un mouvement
général. J’intègre un événement
politique. L’internaute reçoit l’illusion
d’être acteur.
And who is the winner ?
Quand la famille se recomposait devant
le feuilleton du mardi soir, on parlait, on
s’organisait, chacun avait sa place et
son rôle… au centre toujours, la
télévision. Le vrai vainqueur n’était pas
la série de maman, ou le match de papa,
8. c’était la télé elle-même. Les réseaux
sociaux font pareil « en pire » : ils ont
restructurés les relations entre les
personnes. Ils ont recomposés les
familles et les groupes de lycéens. Ils
font déjà les succès économiques et
industriels.
Et bientôt, Philippe Allard a raison, ils
désigneront aussi présidents,
bourgmestres et échevins. Le seul
vainqueur sera, on le découvrira aussi,
le seul vainqueur sera le réseau social.
9. Et si une parade existait ? Que faire
pour contourner ces dérives et
revenir à une politique positive ?
Face à ce constat, les politiques, les
villes et leurs administrations doivent
investir les réseaux : être là en direct
plutôt que de subir le dogme de ces
influenceurs. En se créant leur propre
réseau, ils peuvent contrebalancer le
poids de ceux-ci et se réapproprier leur
discours. Pourtant en Région Wallonne,
5% seulement des villes et communes
sont présents sur les réseaux sociaux.
Cette absence est un leurre. Elles sont
toutes présentes : on parle
constamment d’elles… « à leur place ».
Nos villes doivent s’installer sur les
réseaux et se créer leurs blogs propres.
Ils faut aussi créer une autre dynamique,
moins people, plus citoyenne et
participative, trouver un équilibre entre
attraction et réflexion… se donner
l’objectif d’être à la fois partageable,
10. retweetable et simultanément se
concentrer sur de vrais sujets.
A vos murs, donc.
François, formateur
chez FORMEO
François MEULEMAN,
auteur de Community
management, edipro
éditions, 2012