Support d'une présentation effectuée aux journées sur la formation de formateurs "Histoire des arts et culture médiévale".
Lyon, Institut Français de l'Éducation, le 23 novembre 2011.
1. Lyon – 23 novembre 2011
Lire la Tapisserie de Bayeux
Composition graphique, narration, évocations visuelles
Patrick Peccatte
Chercheur associé au Laboratoire d'histoire visuelle contemporaine
(Lhivic/EHESS)
peccatte@softexperience.com
Twitter: @ppeccatte
Facebook: patrick.peccatte
Google+: Patrick Peccatte
Flickr: patrickpeccatte et photosnormandie
http://culturevisuelle.org/dejavu Tumblr: dubruitausignal.tumblr.com
2. Préambule - Culture Visuelle ?
Visual Culture = Cultural Studies + Visual studies
✔
Cultural Studies: École de Birmingham, années 60.
Étude des cultures ouvrières, jeunes (rock, BD, etc.).
Intérêt pour les cultures populaires (ou plutôt ordinaires),
pour les "objets indignes"
✔
Visual Studies: courant américain, Université de Chicago
(William J. Thomas Mitchell) et courant britannique (Nicholas
Mirzoeff, Griselda Pollock):
Extension de l'intérêt à toutes les images, abandonner les
hiérarchies et le jugement esthétique (art).
Intérêt pour les images dévalorisées.
Le regard est culturel, caractère construit de la vision
Nécessité d'adapter les méthodes aux spécificités des
objets
D'après: Que signifie culture visuelle ? par Audrey Leblanc et Alexie Geers
http://culturevisuelle.org/clindeloeil/2011/07/20/que-signifie-culture-visuelle-%E2%80%93-support-de-cours/
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3. CultureVisuelle.org
Plateforme de blogs pour l'enseignement et la
recherche créée par André Gunthert et l'équipe du
Lhivic (Laboratoire d'histoire visuelle contemporaine) à
l'EHESS
Principalement des historiens d’art et du visuel,
sociologues, chercheurs et étudiants, spécialistes des
médias, médiévistes et anthropologues, mais aussi
professionnels d'autres domaines ou artistes
Tous les aspects des visual studies sont abordés :
✔
photographie, cinéma, publicité, journaux et magazines, télévision, art
✔
création et circulation des images, dispositifs de médiatisation
✔
théorie, méthodologie
✔
régimes illustratifs et documentaires du visuel
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4. Quel point de vue sur la
Tapisserie de Bayeux ?
Cette œuvre a fait l'objet de multiples études selon
diverses disciplines:
✔
histoire de l’art, analyse des textes médiévaux, archéologie,
recherches sur l’architecture militaire et civile, les textiles
anciens, les costumes, les techniques de construction navale,
étude des procédés narratifs, etc.
Ici, ce n'est pas le point de vue d'un médiéviste ni
même celui d'un historien
Mais celui d'un chercheur en études visuelles qui
s'est intéressé à la composition graphique de cet
objet (agencements des images et des textes,des
espaces et des filets) et à ses évocations visuelles
(références dans la culture ordinaire)
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5. Rappels - Nature et dimensions de l'objet
Autres noms : Tapisserie de la reine Mathilde, et
plus anciennement Telle du Conquest (toile de la
Conquête)
L'attribution à Mathilde, femme de Guillaume, est
une légende
Ce n'est pas une tapisserie mais une broderie
Bande de toile de lin brodée d’environ 68,80
mètres de long et 50 cm de large.
Proportions:
Impossible à appréhender dans son ensemble.
La structure et le découpage en scènes paraissent simples;
en fait ce n'est pas si simple...
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6. Nomenclature
626 personnages (mais seulement 3 femmes)
202 chevaux et mules
55 chiens
450 autres animaux, souvent fantastiques
32 navires
37 édifices
dont les séparateurs de scènes
49 arbres
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7. Histoire - résumé
Raconte une série d’événements qui se sont déroulés de
1064 à 1066 et conduisirent à la conquête de l’Angleterre
par le duc de Normandie Guillaume le Conquérant
(Guillaume le Bâtard)
Très probablement commandée par l'évêque Odon de
Bayeux, le demi-frère de Guillaume, qui figure à de
nombreuses reprises sur la Tapisserie
Date incertaine: entre 1066 et 1082, antérieure à la
Chanson de Roland (vers 1090)
Réalisée probablement en Angleterre, pour être exposée à
la cathédrale de Bayeux
Très favorable au point de vue des Normands
La fin est manquante. Elle devait se terminer par le
couronnement de Guillaume
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8. Histoire – principaux personnages
anglais (anglo-saxons)
Le roi Édouard le Confesseur, exilé 25 ans auprès de
son oncle le duc Richard II de Normandie avant de
devenir l'avant dernier monarque anglo-saxon en
1043. Il a donc un lien très fort avec la Normandie.
Meurt sans descendance le 3 janvier 1066.
Canonisé en 1161.
Le comte Harold Godwinson, fils de Godwin de
Wessex, descendant de chef viking par sa mère. Il est
le beau-frère d'Édouard et revendique sa succession.
Dernier roi anglo-saxon avant la conquête normande.
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9. Histoire – principaux personnages
normands
Guillaume de Normandie, enfant naturel du duc Robert
le Magnifique et d'Arlette de Falaise (mariage more
danico, à la manière danoise); bâtard pour l'Église,
mais légitime pour les Normands.
Descendant de Rollon, chef viking et premier duc de
Normandie en 911.
Il se considère comme le successeur d'Édouard.
Les deux demi-frères de Guillaume: l'évêque Odon de
Bayeux et le comte Robert de Mortain
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10. Histoire – succession d'Édouard
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11. Histoire – succession d'Édouard
Une omission très importante de la Tapisserie
(les « trois batailles »):
Harald Hardråda (« Harald le Sévère) de Norvège - allié à Tostig,
frère de Harold - a envahi le Yorkshire et revendique lui aussi le
trône d'Angleterre
Harold est battu par Harald à Fulford près de York le 20
septembre 1066
Harold écrase Harald à Stamford Bridge le 25 septembre 1066.
Harald et Tostig sont tués.
Guillaume débarque le 28 septembre à Pevensey
Harold apprend le 2 octobre que Guillaume à débarqué. Marche
forcée pour aller affronter Guillaume à Hastings. L'armée de
Harold est épuisée.
Les armées anglaises et normandes s'affrontent à Hastings le 14
octobre 1066. Harold est tué.
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12. Structure normale de la composition
de la Tapisserie de Bayeux
Scènes numérotées de 1 à 58 sur une toile de lin qui
la double
La narration principale se déroule dans l’espace
central, délimité par deux filets, sur une hauteur de 33
à 34 cm
Les deux marges illustrées encadrent cet espace
central et mesurent chacune de 7 à 8 cm de hauteur
Le texte figure dans l’espace principal sous le filet
supérieur
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13. L'œuvre textile
« Toute la bande brodée (frises hautes et basses, inscriptions et
scènes centrales) a été exécutée en une seule opération »
Isabelle Bédat et Béatrice Girault-Kurtzeman
De nombreuses restaurations ont été effectuées à des époques
diverses
Avers et revers du début de la Tapisserie (scène 1)
14. Les inscriptions
Le texte est écrit dans un latin élémentaire
Le latin était la langue officielle en Normandie, alors
qu'en Angleterre, c'était le vieil anglais
Donne un caractère « officiel » à la Tapisserie, celle
d'une histoire qui fait autorité
Certains mots tels que caballus et parabolant sont
romans, un locuteur anglais aurait utilisé equus et
loquor
À l'inverse ceastra, Bagias, et surtout GYRÐ (Gyrth,
frère du roi Harold), avec une lettre anglo-saxonne,
traduisent l'influence de locuteurs anglais
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15. Principales scènes - 1 & 2
1064. Entrevue entre le roi Édouard le Confesseur et son beau-frère
le comte Harold Godwinson (Sc. 1). Édouard envoie Harold voir
Guillaume à propos de sa succession.
Harold chevauche avec son faucon, ses chiens de chasse et sa
suite vers son manoir de Bosham (Sc. 2)
Notes: Tous les Anglais ont des moustaches. La structure normale
de composition est respectée.
Scène 1: EDWARD REX [Le Roi Edouard]
Scène 2: UBI hAROLD DUX ANGLORUM ET SUI MILITES EQUITANT AD BOShAM
[Où Harold, duc des Anglais et ses soldats chevauchent vers Bosham]
16. Principales scènes - 4 à 6
Harold navigue vers le continent (Sc. 4 à 6)
Il échoue par erreur sur les terres du comte Guy de Ponthieu
(dans la Somme) où il est fait prisonnier (Sc. 7 à 10)
Notes: Seuls les navires ayant les voiles gonflées figurent en
débord sur la marge supérieure. La marge inférieure évoque des
scènes des fables d'Esope
Scène 4: HIC hAROLD MARE NAVIGAVIT [Ici Harold traverse la mer]
Scène 5: ET VELIS VENTO PLENIS VENIT IN TERRA WIDONIS COMITIS
[Et les voiles gonflées par le vent, il aborda sur la terre du Comte Guy]
Scène 6 : HAROLD
17. Principales scènes – 14 & 15
Un espion prévient Guillaume de la capture de Harold (Sc. 10 & 11)
Guillaume fait relâcher Harold et le reçoit dans son palais à Rouen
(Sc. 12 à 14)
Scène énigmatique: Un clerc frappe une femme (ou caresse sa joue?)
nommée Ælfgyva sous un portique (Sc. 15). Un homme nu dans la marge
inférieure suggère une connotation sexuelle.
Notes: Deux tours encadrent ces scènes. Les Normands ont la nuque
rasée. Deux paons dont un fait la roue en marge supérieure.
Scène 14: HIC DUX WILGELM CUM HAROLDO VENIT AD PALATIŪ SUŪ
[Ici le duc Guillaume vint à son palais avec Harold]
Scène 15: UBI UNUS CLERICUS ET ÆLFGYVA [Où un clerc vint trouver Ælfgyva]
18. Principales scènes – 16 & 17
Harold est désormais l'obligé de Guillaume et il l'accompagne dans son
expédition contre le duc Conan II de Bretagne.
Ils se rendent au Mont-Saint-Michel (Sc. 16) puis à Dol.
Harold sauve deux soldats normands des sables mouvants (Sc. 17)
Notes: Harold est représenté très positivement, chevaleresque.
Le Mont-Saint-Michel figure en débord sur la marge supérieure.
Scène 16: HIC WILLEM DUX ET EXERCITUS EIUS VENERUNT AD MONTE(M) MIChAELIS
[Ici le duc Guillaume et son armée vinrent au Mont (St) Michel]
Scène 17: ET HIC TRANSIERUNT FLUMEN COSNONIS [Et ici ils traversèrent le fleuve Couesnon]
hic hAROLD DUX TRAhEBAT EOS DE ARENA [Ici le duc Harold les tirait hors du sable]
19. Principales scènes – 23 & 24
Lors de la campagne de Bretagne, la ville de Dol est prise. Les Normands
se rendent ensuite à Rennes puis à Dinan (Sc. 18 & 19). Conan livre les
clefs de Dinan à Guillaume (Sc. 20).
Guillaume donne des armes à Harold, signe de vassalité pour les
Normands (mais pas pour les Anglais) (Sc. 21) puis l'emmène à Bayeux
(Sc. 22). Harold prête serment en présence de Guillaume (Sc. 23), puis
retourne en Angleterre (Sc. 24). Tous les analystes estiment que la scène
du serment est le point central de l'histoire.
Scène 23: UBI hAROLD SACRAMENTUM FECIT WILLELMO DUCI
[Où Harold prête serment au duc Guillaume]
Scène 24: hIC HAROLD DUX REVERSUS EST AD ANGLICAM TERRAM
[Ici le duc Harold retourna en terre anglaise]
20. Principales scènes – 26 à 28
Harold rencontre le roi Édouard.
À la fin 1065, l'abbaye de Westminster est prête a être consacrée lorsque
le roi meurt. Un homme pose le coq sur le clocher de l'église et la main de
Dieu consacre l'abbaye.
Curieusement, la scène de l'enterrement (26) précède celle de la mort du
roi (28). Seul endroit de la Tapisserie où deux scènes sont superposées.
Scène 26: hIC PORTATUR CORPUS EADWARDI REGIS AD ECCLESIAM SCI PETRI APLI
[Ici on porte le corps du Roi Édouard à l'église Saint-Pierre-Apôtre]
Scène 27: HIC EDWARDUS REX IN LECTO ALLOQUIT FIDELES
[Ici le Roi Édouard sur son lit parle à ses proches]
Scène 28: ET HIC DEFUNCTUS EST [Et ici il mourut]
21. Principales scènes – 30 à 32
Harold est couronné roi, avec à sa gauche l'évêque de Cantorbéry Stigand
(Sc. 30-31). Un groupe d'hommes observe la comète de Halley (Sc. 32).
Note: On pense que c’est l’archevêque Alfred d’York qui couronna le
nouveau roi. Représenter Stigand qui fut excommunié par cinq papes
successifs signifie que le couronnement était nul selon le point de vue
normand.
Scène 30: hIC RESIDET hAROLD REX ANGLORUM [Ici siège Harold, roi des Anglais]
Scène 31: STIGANT ARChI EPS [L'archevêque Stigand]
Scène 32: ISTI MIRANT(UR) STELLĀ [Ceux-ci observent l'étoile]
22. Principales scènes – 35 & 36
Un navire aborde en Normandie et un messager apporte à Guillaume la
nouvelle du couronnement de Harold (Sc. 34).
Guillaume donne l'ordre de construire une flotte (Sc. 35). Les navires sont
chargés d'armes et de provisions (Sc. 37).
Notes: Scènes importantes pour la compréhension de la fabrication des
navires et la connaissance des outils utilisés au Moyen Âge
Scène 36: hIC TRAhUNT NAVES AD MARE [Ici ils tirent les navires à la mer]
23. Principales scènes – 38
La flotte traverse la Manche et arrive à Pevensey le 28 septembre 1066
Notes: Les navires débordent sur la marge supérieure et certains navires
sont figurés éloignés
Scène 38: HIC WILLELM DUX IN MAGNO NAVIGIO MARE TRANSIVIT ET VENIT AD PEVENESÆ
[Ici le duc Guillaume traversa la mer sur un grand vaisseau et vint à Pevensey]
Comparaison avec les
navires anglais
(Sc. 5. Harold)
Discontinuité dans la
partie centrale
24. Principales scènes – 43-44
Les Normands chevauchent jusqu'à Hastings (Sc. 40). Ils s'approvisionnent
dans le pays, puis préparent un banquet (Sc. 42).
L'évêque Odon bénit le banquet (Sc. 43). Le vendredi 29 septembre 1066,
jour de jeûne respecté par l'évêque qui a un poisson devant lui.
Guillaume tient conseil avec ses deux demi-frères quand on l'informe de
l'approche de Harold (Sc. 44)
Note: Durant tout ce temps, Harold est dans le nord à la suite de la guerre
contre Harald le Sévère.
Scène 43: hIC FECERUN(T) PRANDIUM ET hIC EPISCOPUS CIBŪ ET POTŪ BENEDICIT
[Ici ils firent un repas et ici l'évêque bénit la nourriture et la boisson]
Scène 44: ODO EPS WILLEM ROTBERT [L'évêque Odon, Guillaume, Robert]
25. Principales scènes – 45-47
Les Normands construisent une motte castrale à Hastings et incendient les
habitations du voisinage
Près d'une maison incendiée, une des rares figurations féminines
Guillaume se prépare à monter à cheval et la cavalerie normande s'élance
à la rencontre de Harold
Scène 45: ISTE IUSSIT UT FODERETUR CASTELLUM AD HESTENG CEASTRA
[Celui-ci a ordonné de creuser une fortification autour du camp de Hastings]
Scène 46: HIC NUNTIATUM EST WILLELM DE HAROLD [Ici on informe Guillaume au sujet de Harold]
Scène 47: HIC DOMUS INCEDITUR [Ici une maison est incendiée]
26. Principales scènes – 48-49
Harold voulait surprendre Guillaume mais son plan est déjoué par les
éclaireurs de Guillaume. Guillaume porte un gourdin et derrière lui se tient
Robert ou plus probablement l'évêque Odon (les ecclésiastiques n'avaient
pas le droit de porter l'épée).
Selon le Domesday Book (inventaire de l'Angleterre réalisé sur ordre de
Guillaume après la conquête), Vital est un tenancier d'Odon
Scène 48: hIC MILITES EXIERUNT DE hESTENGA: ET VENERUNT AD PRELIUM CONTRA hAROLDUM
REGEM [Ici les soldats sortirent de Hastings et allèrent au combat contre le roi Harold]
Scène 49: hIC WILLELM DUX INTERROGAT VITAL SI VIDISSET EXERCIT Ū HAROLDI
[Ici le duc Guillaume demande à Vital s'il a vu l'armée de Harold]
27. Principales scènes – 52
La bataille de Hastings fait rage. Deux frères du roi Harold sont tués.
Les scènes de la bataille occupent environ un cinquième de la Tapisserie.
La marge inférieure est alors occupée par des figurations de morts et
blessés.
Notes: Les Anglais n'ont pas de cavalerie et ils ont des boucliers ronds.
Remarquez la graphie du Ð du nom GYRÐ, typiquement anglaise.
Scène 52: hIC CECIDERUNT LEWINE ET GYRÐ FRATRES hAROLDI REGIS
[Ici succombèrent Leofwin et Gyrth, frères du Roi Harold]
28. Principales scènes – 53
La bataille oppose Franci et Angli.
Le terme Normanni apparaît peu dans la Tapisserie.
L'armée de Guillaume est composée de Normands, Bretons, Français.
Scène 53: hIC CECIDERUN(T) SIMUL ANGLI ET FRANCI IN PRELIO
[Ici Anglais et Français meurent ensemble dans le combat]
29. Principales scènes – 54-56
L'évêque Odon ne porte pas l'épée, il est figuré avec un gourdin (Sc. 54).
Selon Guillaume de Poitiers, les Normands crurent que Guillaume était
mort et commençaient à fuir. Guillaume se fait reconnaître en enlevant son
casque (Sc. 55).
Eustache est probablement Eustache de Boulogne (Sc. 56). Il est possible
que son nom ait été partiellement effacé après une disgrâce.
Scène 54: HIC ODO EPS BACULŪ TENENS CONFORTAT PUEROS
[Ici l'évêque Odon, tenant un bâton, encourage les jeunes hommes]
Scène 55: hIC EST DUX WILLELM(US) [Ici est le duc Guillaume]
Scène 56: E(USTA)TIUS [Eustache]
30. Principales scènes – 58
Harold est tué, atteint par une flèche dans l'œil puis frappé à la jambe au
sol. Les Anglais sont vaincus et prennent la fuite.
Dans la marge inférieure à droite, un homme enlève la cote de maille d'un
mort
Scène 58: hIC hAROLD REX INTERFECTUS EST ET FUGA VERTERUN(T) ANGLI
[Ici le roi Harold fut tué, et les Anglais prirent la fuite]
31. Marges
De nombreux motifs d'animaux parfois fantastiques sont
représentés par deux, en vis-à-vis
Plusieurs fables d'Ésope figurent dans les marges
Exemple: scène 4, le corbeau et le renard
32. Marges – multiples interprétations
Les fables et les animaux qui figurent dans les marges sont
souvent interprétés comme des commentaires, des
indicateurs, des reflets, des avertissements ou
anticipations par rapport à la narration principale de la
bande centrale
« Les créatures des marges semblent souvent conscientes
des événements décrits sur le registre principal et, comme
elles sont invisibles aux protagonistes humains, leurs
réactions aux activités de ceux-ci sont destinées à nous
amuser. » Gale R. Owen-Crocker
Pour Bard McNulty,les marges dans leur ensemble sont
comparables à la musique qui accompagne le déroulement
d'un film
33. Marges
Relations entre la narration principale et les marges. Scènes 32-33.
Un groupe d'hommes observe la comète de Halley. Plus loin, en
dessous de la scène où Harold écoute un messager, des esquisses de
bateaux sont dessinées dans la marge inférieure.
Selon l'interprétation traditionnelle de cette suite, Harold (dans la frise
principale) voit dans la comète (en marge supérieure) un signe de Dieu,
un présage funeste d'une flotte d'invasion (en marge inférieure). Les
trois espaces pourtant bien distincts fonctionnent ici ensemble.
34. Débords
Les filets (surtout le supérieur) ne sont pas des limites
totalement infranchissables. Certaines images de la scène
principale "débordent" sur les deux marges supérieure et
inférieure.
La typologie des débords inférieurs est limitée:
✔
Oiseau [5]
✔
Pieds [27, 28, 45, 46]
✔
Soldats blessés ou morts [51, 55, 56, 57]
✔
Lances [54]
35. Débords
Les débords supérieurs sont plus nombreux mais la typologie
des motifs demeure restreinte:
✔
Édifices [16, 19, 22, 25, 27, 28, 30, 31, 32, 33, 35, 42]
✔
Navires [5, 34, 37, 38, 39]
✔
Lances [10, 19, 40, 48, 52, 53, 54, 55, 57]
✔
Épées [52, 54, 55]
✔
Haches [52, 56]
✔
Bouclier [18]
✔
Tête d'un homme [35]
✔
Étendards [37, 51, 52]
✔
Cheminées d'une maison [40]
✔
Flammes d'un incendie [47]
36. Débords - une interprétation
Les motifs "transgresseurs" pourraient illustrer une notion de
"passage"
« Les marges sont des limites et des pans architecturaux (les
lieux de l’énonciation) qui disposent un extérieur et un intérieur
permettant un passage, limites que transgressent les navires
qui vont d’une rive à l’autre, les armes qui font passer de vie à
trépas et traversent la peau, les fenêtres qui laissent entrer le
regard, les oiseaux messagers. » Olivier Beuvelet
37. Débords majeurs - navires
Les débords majeurs occupent presque intégralement l'espace
de la marge supérieure en surplus de la bande centrale.
Ce sont toujours des navires ou des édifices.
Exemple: Scènes 4 à 6, Harold se rend sur le continent.
38. Débords majeurs - édifices
Le Mont-Saint-Michel [16] – Dinan [19]: guerre en Bretagne
Bayeux [22] – Westminster [25]: Harold est sous serment
Westminster [30 à 33]: Harold viole son serment et devient roi
Rouen [35] – Fin: guerre de Guillaume contre Harold
Scande ce qui est le plus important « du point de vue de Dieu »:
Guerre – Serment – Parjure - Guerre
39. Marges et débords
essai d'interprétation (1)
Les filets dessinent trois mondes.
Entre les deux filets, la narration principale évolue dans un
monde 1 où sont figurés les enchaînements des
événements du monde réel. Ce monde est explicité, décrit
par un texte qui court tout près de la limite avec le monde 2
(et parfois s'y invite).
La marge du haut constitue un monde 2 et se réfère au ciel,
à l'intervention divine. Ce monde n'est bien sûr pas aussi
explicite et compréhensible que le monde 1. C'est une sorte
de « point de vue de Dieu » sur les affaires des hommes.
Les séparateurs que constituent les édifices issus du
monde 1 et empiétant sur le monde 2 isolent en quelque
sorte les séquences les plus importantes selon ce point de
vue divin: la guerre et le serment.
40. Marges et débords
essai d'interprétation (2)
La marge du bas est un monde 3 associé au monde 1 où
les humains évoluent.
Le monde 3 est cependant très nettement distingué du
monde 1 comme le signale le filet inférieur continu.
C'est un monde hermétique et allégorique qui se réfère à la
fois au rêve, à l'interprétation des signes du monde 2 (la
comète) et à la prémonition des événements à venir du
monde 1 (fables). Il ne devient explicite que lors de la
bataille de Hastings lorsque le monde 1 est tout entier
plongé dans l'action et qu'il n'y a plus alors de place pour
l'allégorie ou la prémonition; le récit du monde 3 se confond
alors avec celui du monde 1 tout en demeurant distinct de
celui-ci.
41. Évocations visuelles de la Tapisserie dans l'histoire
l'exemple de la Seconde Guerre mondiale
Après le Débarquement en Normandie: magazine Life - 26 juin 1944, pp 8-9
42. Évocations visuelles de la Tapisserie dans l'histoire
l'exemple de la Seconde Guerre mondiale
The New Yorker – 15 juillet 1944
43. Évocations visuelles de la Tapisserie dans l'histoire
l'exemple de la Seconde Guerre mondiale
Overlord Embroidery, Musée de Portsmouth, réalisée en 1968
44. Évocations visuelles dans la culture ordinaire
The Vikings, 1958 Mais pas
Richard Fleischer seulement...
Tous les clichés sur
les vikings et les Voir le début du film
drakkars....
45. Évocations visuelles dans la culture ordinaire
Introduction du film The Vikings (1958, Richard Fleischer)
Commentaires par Orson Welles
46. Bibliographie
Mairie de Bayeux. Site officiel de la Tapisserie.
http://www.tapisserie-bayeux.fr/index.php?id=409
Pierre Bouet, Brian Levy, François Neveux, La Tapisserie de Bayeux : l’art de broder
l’Histoire, Actes du colloque de Cerisy-la-Salle (1999), Caen: Presses universitaires de
Caen, 2004
Sylvette Lemagnen (sous la direction de), La Tapisserie de Bayeux : une chronique des
temps vikings ?, Actes du colloque international de Bayeux – 29 et 30 mars 2007, Point de
vues, 2009
John Bard McNulty, Visual Meaning in the Bayeux Tapestry: Problems and Solutions in
Picturing History, The Edwin Mellen Press Ltd., 2003
Patrick Peccatte, La composition graphique de la Tapisserie de Bayeux, article de la revue
Médium (à paraître). Voir aussi: http://culturevisuelle.org/dejavu/558 (18 mars 2011)
David M. Wilson, La Tapisserie de Bayeux, Paris: Flammarion, 1985, nouvelle édition 2005
Bibliographie complémentaire
Gil Bartholeyns, Pierre-Olivier Dittmar, Vincent Jolivet, Image et transgression au Moyen
Âge. Paris: PUF, 2008.
Michael Camille, Images dans les marges. Aux limites de l'art médiéval, Paris: Gallimard,
1997.
Jean Wirth, L'image à l'époque romane, Paris: Cerf, 1999