5 leviers pour mettre en oeuvre une activité d’architecture d’entreprise effi...
"Déterminants de la mise en place d'une entité Intelligence Economique au sein d'une organisation"
1. Mastère Spécialisé Intelligence Economique et Management des Connaissances
Promotion 2012
Thèse Professionnelle
en Intelligence Economique et Management des Connaissances
Présentée par
Rodolphe Delabarre
« Les déterminants endogènes et
exogènes de la mise en place d’une
entité Intelligence Economique au
sein d’une organisation »
Thèse dirigée par M. Olivier Pommeret,
Professeur Affilié – SKEMA
2. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
Mastère Spécialisé Intelligence Economique et Management des Connaissances – SKEMA Business School
Les déterminants endogènes et exogènes de la mise en place d’une IE au sein d’une organisation Page 2
SKEMA BUSINESS SCHOOL
RESUME
« Déterminants endogènes et exogènes de la mise en place d’une entité Intelligence
Economique au sein d’une organisation »
par Rodolphe Delabarre
Directeur de thèse professionnelle: Olivier Pommeret
La présente thèse professionnelle traite des déterminants endogènes et exogènes de
la mise en place d’un processus d’Intelligence Economique (IE) au sein d’une
organisation.
Ces déterminants sont au nombre de quatre : 1) le type d’organisation (sur la base de
la typologie de Mintzberg) de l’entreprise considérée impactant les flux d’informations,
2) la cartographie des processus et la façon dont le processus IE s’y intègre, 3) la
culture d’entreprise favorisant ou non un partage des connaissances, et enfin 4) la
pression de la concurrence, comme déterminant exogène.
Ce travail de recherche se propose donc d’offrir un complément aux écrits sur l’IE en
appréhendant la problématique des conditions de déploiement au sein des
entreprises, adressant les questions, qui nous semblent orphelines, du ‘’quand ‘’ et du
‘’comment’’ relatifs à une mise en place d’un dispositif IE.
L’approche théorique sera accompagnée d’un volet pratique traitant du déploiement
d’un processus d’IE au sein de l’entreprise Renault. Pour ce faire, seront étudiés les
quatre déterminants. Leur mise en perspective conduira à une préconisation et mise
en application du système le plus adéquat : une organisation IE maillée, notamment
avec la Direction du Management des Risques pour partager une finalité ; c’est à dire
la réduction des risques via une maîtrise de l’information stratégique
(A. Guilhon/Groupe de travail du Haut Responsable à l’Intelligence Economique).
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TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS------------------------------------------------------------------------------------p.4
INTRODUCTION GENERALE--------------------------------------------------------------------p.5
PARTIE I : MISE EN PLACE ET FINALITE
D’UNE INTELLIGENCE ECONOMIQUE AU SEIN DE l’ENTREPRISE :
UN ETAT DE L’ART--------------------------------------------------------------------------------p.10
Chapitre 1 : Intelligence Economique : présentation générale, définitions-----------p.11
Chapitre 2 : Analyse critique de l’approche systémique
de l’Intelligence Economique---------------------------------------------------------------------p.19
Chapitre 3 : Vers une analyse organisationnelle--------------------------------------------p.24
PARTIE II : CADRE DE LA RECHERCHE---------------------------------------------------p.29
Chapitre 4 : Analyse théorique des déterminants d’une mise en place
et de la finalité de l’Intelligence Economique en entreprise------------------------------p.30
Chapitre 5 : Mode opératoire du modèle------------------------------------------------------p.40
PARTIE III : MANAGEMENT DE L’INTELLIGENCE ECONOMIQUE
AU SEIN DE L’ENTREPRISE RENAULT----------------------------------------------------
Chapitre 6 : Organisation, Processus, Culture d’Entreprise
et Environnement de Renault-------------------------------------------------------------------
Chapitre 7 : Application du modèle d’Intelligence Economique------------------------
CONCLUSION--------------------------------------------------------------------------------------p.49
Bibliographie-----------------------------------------------------------------------------------------p.51
Liste des figures------------------------------------------------------------------------------------p.54
Liste des illustrations------------------------------------------------------------------------------p.56
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REMERCIEMENTS
L’auteur souhaite exprimer sa reconnaissance au Directeur Général Adjoint Plan-
Produit-Programmes et au Directeur de la Stratégie et Plan Groupe de RENAULT
pour lui avoir fait confiance et lui avoir permis de mettre en œuvre son projet IE, dont
l’inscription au Mastère Spécialisé en Intelligence Economique et Management des
Connaissances faisait partie.
Il tient également à remercier l’ensemble du corps professoral du Mastère Spécialisé
Intelligence Economique et Management des Connaissances de SKEMA BUSINESS
SCHOOL.
Enfin, l’auteur adresse un salut particulier à sa famille pour son soutien de tous les
instants.
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INTRODUCTION GENERALE
Que sais-je de l’Intelligence Economique ? C’est de cette interrogation qu’est née
une investigation des différentes définitions qui en ont été faites et une réflexion sur
les déterminants d’une mise en place optimale d’une entité Intelligence Economique
au sein d’une entreprise.
Comment définir l'Intelligence Economique (IE) : une science; une discipline; une
boîte à outils? Pourquoi ne pas l’appréhender comme une méthode? Méthode, un
mot apparemment anodin, qui pourtant délivrerait tout son fondement et son sens à
l'IE, car selon Descartes « on ne peut se passer d'une méthode pour se mettre en
quête de la vérité des choses ». Une méthode donc pour recueillir, traiter, analyser,
synthétiser l'information et enfin recommander, préconiser un plan d'actions à partir
de la connaissance acquise.
Alors qu'est-ce qu'est vraiment l'IE? Serait-ce une science?
A l'instar de « L'économie [qui] est la science qui étudie comment des ressources
rares sont employées pour la satisfaction des besoins des hommes vivant en
société » (E. Malinvaud, dans « Leçons de théorie microéconomique »), selon Hervé
Basset (Site web « Intelligence Scientifique et Veille » intelligencescientifique.wordpress.com) ,
l'IE ou Intelligence Scientifique se définirait « comme l’ensemble des actions
coordonnées d’acquisition, d’analyse, de conservation et de diffusion de l’information
de nature scientifique en vue de son exploitation par les acteurs de l’institution ».
Pour autant cela n'en fait pas une science, car l'Intelligence Economique n'est pas :
« [cet] ensemble cohérent de connaissances relatives à certaines catégories de faits,
d'objets ou de phénomènes obéissant à des lois et/ou vérifiés par les méthodes
expérimentales » (Larousse). La référence scientifique serait plus liée à « la science
de l’information [qui] a pour objet la compréhension d’un processus d’échange
relevant de la préoccupation de la récupération de l’information quelle qu'elle soit »
(L. Fillipozzi à propos de « Science de l’Information : de la discipline à
l’enseignement », J. Deschamps).
Serait-ce une discipline, au sens « [d'] une branche du savoir développée par une
communauté de spécialistes adhérant aux mêmes pratiques de recherche »
(Wikipedia, fr.wikipedia.org/wiki/Discipline) ?
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En fait, la branche du savoir concernée ici serait celle du Système d'Information (ou
SI) : « [cet] ensemble organisé de ressources (matériel, logiciel, personnel, données,
procédures…) permettant d'acquérir, de stocker, de communiquer des informations
sous forme de données, textes, images, sons… dans des organisations pour
répondre aux besoins en information de ses utilisateurs ». Ainsi, le processus
d'Intelligence Economique de l'entreprise s'inscrirait dans ce Système d'Information.
Serait-ce une boite à outils? On pense au récent ouvrage de Ch. Deschamps et
N. Moinet, « La boîte à outils de l'Intelligence Economique »1
qui délivre cinquante
neuf outils. Pour autant ces outils sont organisés selon les six dimensions de l'IE:
« Intégrer et orienter une démarche d'intelligence économique, Surveiller son
environnement pertinent, Traiter et analyser l'information stratégique, Manager
l'information et la connaissance, Protéger son patrimoine immatériel, Influencer son
environnement », sous-tendant qu'au-delà d'une simple boîte à outils, il y a bien
évidemment une finalité; ce qu'O. Soula désigne « comme la manière d'utiliser
l'information et la communication pour rendre une entreprise plus performante est
essentielle à la vie des entreprises dans un monde économique qui s'annonce de
plus en plus incertain » dans le billet blog intitulé « Qu'est-ce que l'intelligence
économique ? » (20 novembre 2011, www.pensee-action.com). Une manière donc, et
même une méthode.
Alors l'IE, une méthode structurante pour aider les entreprises à maîtriser leur
environnement et prendre des décisions stratégiques? Il y aurait donc une analogie
avec « Le discours de la méthode » de Descartes, sous-titré « Pour bien conduire sa
raison, et chercher la vérité dans les sciences », posant le postulat que l'homme peut
accéder à la connaissance universelle par la raison. Il s'agit de :
1/ne recevoir aucune chose pour vraie tant que son esprit ne l'aura clairement et
distinctement assimilé préalablement;
2/diviser chacune des difficultés afin de mieux les examiner et les résoudre;
3/établir un ordre de pensées, en commençant par les objets les plus simples
jusqu'aux plus complexes et divers, et ainsi de les retenir toutes et en ordre;
4/passer toutes les choses en revue afin de ne rien omettre.
Quatre règles donc (règle d'évidence, règle d'analyse, règle de synthèse, règle des
1
Ch. Deschamps et N. Moinet, La boîte à outils de l'Intelligence Economique. Dunod, 2011.
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dénombrements entiers) qui s'appliquent aisément à l'information stratégique qu'une
entreprise doit maîtriser pour survivre et/ou prospérer. En définitive, ne détient-on
pas un nouveau discours de la méthode à appliquer à l'entreprise, posant comme
postulat que l'entreprise peut accéder à la connaissance par l'IE ? Une alchimie, en
quelque sorte, entre une méthode et de l'intuition/de l'instinct, qui fera du veilleur ou
de l'analyste IE une personne clé au sein de l'entreprise.
Mais au-delà du ‘’quoi’’, et du ‘’qui’’, tel le réseau d’acteurs impliqués au sein de
l’entreprise, se posent les questions du ‘’comment’’ et du ‘’quand’’ il est optimal de
mettre en place un système d’IE au sein d’une entreprise. On ne peut occulter les
ressorts; les déterminants de la mise en place et du déploiement de l'IE au sein d'une
entreprise, et comment arriver à un maillage de ces différentes activités IE.
En effet, nous revisiterons les différentes définitions de l'Intelligence Economique,
telles que celle du rapport Martre ou encore celle de l'association des professionnels
de l'information et de la documentation (ADBS) pour faire le constat que ne sont pas
abordées les questions du contexte préalable nécessaire à la mise en place de ces
actions et ensuite de leur coordination.
De plus, dans les termes employés par G. Colletis (de l'Association Française pour le
Développement de l'Intelligence Economique, AFDIE), la notion de compétence
émerge : compétence organisationnelle ? Cette compétence ne serait-elle pas
inscrite dans ce que Ch. Laure et P. Jouxtel nomment l'ADN de l'entreprise dans
l'article Le Cercle Les Echos du 05/06/2012, ADN : la clé cachée de la réussite
stratégique? Ce que nous nommerons aussi sa culture organisationnelle.
Toute entreprise ne serait ainsi pas apte à mettre en place et à déployer un système
efficace d'Intelligence Economique. Ne faudrait-il pas au préalable qu'elle ait une
culture adéquate, une organisation idoine? Nous entendons par culture « [ce qui]
caractérise l'entreprise et la distingue des autres, dans son apparence et, surtout,
dans ses façons de réagir aux situations courantes de la vie de l'entreprise comme
traiter avec un marché, définir son standard d'efficacité ou traiter des problèmes de
personnel 2
». Ceci fait référence à la vision du consultant en Intelligence
Economique exprimée par J. Bondu, le comparant à un médecin: « Le système
immunitaire du malade existe mais il est déficient, le médecin vient seulement le
2
M. Thevenet, La culture d'entreprise. PUF, 2010.
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environnement/type d’organisation/cartographie des processus/culture d’entreprise. Il
y aurait des conditions préalables qui doivent être créées afin que le milieu soit
propice. Ensuite, une fois définies ces conditions, ce que nous appellerons ‘’le
quand’’, nous nous attellerons au ‘’comment’’ ; à savoir l’alternative entre une entité
IE intégrée/centralisée ou une entité IE maillée/décentralisée.
La méthodologie que nous utiliserons sera double. Dans un premier temps, nous
réutiliserons la thèse professionnelle de J. Bondu4
dont l’objectif était de réaliser un
benchmarking des approches IE des différentes grandes entreprises françaises.
Nous poursuivrons donc ce travail en offrant un éclairage complémentaire : tenter
d’expliquer le type d’IE mis en œuvre dans telle ou telle entreprise via une mise en
perspective des quatre déterminants clés : Type d’organisation/Type de
procédures/Type de culture d’entreprise/Intensité concurrentielle. Nous apporterons
donc un volet explicatif à l’approche de J. Bondu. Ensuite, nous validerons nos
hypothèses dans le cadre du déploiement d’une organisation IE au sein de
l’entreprise Renault. Nous établirons donc un diagnostic des quatre déterminants
pour cette entreprise et justifierons le type d’IE mis en œuvre (maillée vs
centralisée) ainsi que son modus operandi. Il s’agira d’une expérience in vivo,
puisque le fruit de dix huit mois d’activité comme directeur Intelligence Economique
et Benchmarking au sein de l’entreprise Renault.
Notre travail nous semble utile à double titre. D’un point de vue théorique, il complète
les définitions faites de l’intelligence Economique en ce sens que nul n’a mis en
lumière les conditions nécessaires à la mise en place d’une IE. De plus, notre travail
est d’utilité première pour Renault, car il définit les conditions de mise en place d’une
IE au sein de l’entreprise, avec notamment un maillage clé entre IE et Management
des Risques ; deux directions qui ne se parlaient pas auparavant et qui travaillent
désormais main dans la main, avec pour finalité d’alerter sur les risques stratégiques
et de proposer des contremesures à la Direction Générale.
Ce maillage IE/Management des Risques est de notre point de vue la concrétisation
opérationnelle de la définition de l’IE comme « le processus de maîtrise de
l’information stratégique ayant pour finalité la réduction des risques » (A. Guilhon
Groupe de travail du Haut Responsable à l'Intelligence Economique).
4
J. Bondu, Benchmarking des pratiques d’intelligence économique. Thèse professionnelle, 2001.
10. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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PARTIE I : MISE EN PLACE ET FINALITE D’UNE
INTELLIGENCE ECONOMIQUE AU SEIN D’UNE
ENTREPRISE : UN ETAT DE L’ART
Chapitre 1 : Intelligence Economique : présentation générale, définitions
Chapitre 2 : Analyse critique de l’approche systémique de l’IE
Chapitre 3 : Vers une analyse organisationnelle
« La connaissance s'acquiert par l'expérience, tout le reste n'est que de
l'information ».
Albert Einstein
11. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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Chapitre 1 : Intelligence Economique
________________________________________
1. Présentation générale - Concepts et Histoire
2. Définitions
3. Approche systémique
13. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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Phase 2 : la veille stratégique (années 80).
L’action d’intelligence stratégique au sens de la norme AFNOR (Agence Française
de NORmalisation) FD X 50-0527
est l’ « engagement d'un ensemble de démarches
hiérarchisées et ordonnées permettant d'aboutir à la formulation d'analyses à haute
valeur décisionnelle en vue de la prise de décision par la direction ».
Figure 1.2 Management de l’intelligence économique. Source Norme AFNOR FD X 50-052
Phase 3 : l’école française de l’IE (années 1990).
Ce sont donc dans les années 90, que le concept d’IE apparaît, promu par l’école
française. S. Goria relate donc qu’en 1992,
l’expression "intelligence économique" est utilisée pour la première fois par
C. Harbulot8
faisant référence à « toutes les opérations de surveillance de
7
AFNOR Norme FD X 50-052, Management de l'intelligence stratégique, 2011.
8
Ch. Harbulot, La machine de guerre économique, Editions Economica, 1992.
14. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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l’environnement concurrentiel : veille, protection, manipulation de l’information
(leurre, contre-information, …), influence ».
C’est donc une définition dite ‘’englobante’’, pour reprendre l’idée de S. Goria. Mais à
trop englober n’a-t-on pas mélangé les problématiques liées aux Etats et celles liées
aux entreprises menant à un concept polymorphique et donc non spécifique ? Il y a
certes des points de convergence entre Etats et Entreprises, mais cette non-
spécificité n’occulte-t-elle pas les conditions de mise en place d’une démarche IE au
sein d’une entreprise ? La définition de l’IE reste à un niveau macro, c'est-à-dire
partant du tout pour expliquer les parties (versus micro qui elle s’intéresse aux unités
de base telles que l’entreprise, prenant en compte son contexte pour expliquer son
attitude).Ou dit autrement, le caractère trop transversal de l’IE (Etats-Entreprises,
mais aussi au sein d’une entreprise ayant à voir avec la stratégie, le marketing, la
finance, la technologie…) ne la dessert-il pas?
2. Définitions : de la Veille à l’IE
Revisitons donc les différentes définitions afin d’appréhender si certaines abordent le
niveau ‘’micro’’.
Commençons donc par la veille. Cette dernière d’après l’AFNOR, à travers la norme
expérimentale française XP X 50-0539
, est « l’activité continue et en grande partie
itérative visant à une surveillance active de l’environnement technologique,
commercial, etc. pour en anticiper les évolutions ».
Selon P. Romagni et V. Wild10
, « la veille est une analyse des différentes facettes de
l’environnement afin de développer la proactivité et de préparer au mieux la prise de
décision d’une organisation ».
Ces deux définitions sont à compléter, car comme le souligne T. Bouchakor11
:
« Toutefois, deux conditions sont nécessaires pour mener une fonction de veille
efficacement : une bonne connaissance de la culture de l’entreprise ainsi qu’une
maîtrise suffisante de l’environnement dans lequel le veilleur agit. »
9
AFNOR, Norme XP X 50-053, Prestation de veille et prestation de mise en place d’un système de veille. 1998.
10
P. Romagni, V. Wild, L’intelligence économique au service de la stratégie de l’entreprise. LPM, 1998.
11
T. Bouchakor, Dispositif d’Intelligence Economique pour le secteur de l’Offshoring au Maroc
Stratégie et Mise en œuvre. Thèse professionnelle, 2006.
15. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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De plus, la veille est insuffisante, car « [elle] consiste à observer de façon
systématique, mais passive, l’environnement sous tous ses aspects (économique,
juridique, culturel, social, historique, écologique…). La veille se différencie de
l’intelligence économique en s’interdisant de modifier l’environnement sur lequel elle
exerce une observation continuelle. La veille a un rôle de détection tandis que
l’intelligence économique a une mission de positionnement stratégique de
l’entreprise dans l’environnement qu’elle remplit par une stratégie d’influence et de
coercition des acteurs de cet environnement12
».
Alors que recouvre l’IE ?
Le rapport MARTRE13
, en donne la définition suivante : « L'intelligence économique
peut être définie comme l'ensemble des actions coordonnées de recherche, de
traitement et de distribution, en vue de son exploitation, de l'information utile aux
acteurs économiques. Ces diverses actions sont menées légalement avec toutes les
garanties de protection nécessaires à la préservation du patrimoine de l'entreprise,
dans les meilleures conditions de délais et de coûts. L'information utile est celle dont
ont besoin les différents niveaux de décision de l'entreprise ou de la collectivité, pour
élaborer et mettre en œuvre de façon cohérente la stratégie et les tactiques
nécessaires à l'atteinte des objectifs définis par l'entreprise dans le but d'améliorer sa
position dans son environnement concurrentiel. Ces actions, au sein de l'entreprise,
s'ordonnent autour d'un cycle ininterrompu, générateur d'une vision partagée des
objectifs de l'entreprise. »
Cette définition fondatrice explicite très clairement les finalités de l’IE pour une
entreprise, mais pour autant ne décrit pas la façon dont les actions doivent
s’ordonner.
Tout comme Ph. Baumard, pour qui: « l'intelligence économique n'est plus seulement
un art d'observation mais une pratique offensive et défensive de l'information. Son
objet est de relier entre eux plusieurs domaines pour servir à des objectifs tactiques
12
Ph. Baumard, Stratégie et surveillance des environnements concurrentiels. Masson, 1991.
13
Œuvre collective du Commissariat du Plan, Intelligence économique et stratégie des entreprises. La
Documentation Française, 1994.
16. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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et stratégiques de l'entreprise. Elle est un outil de connexion entre l'action et le savoir
de l'entreprise ».
Même constat s’agissant de la définition de B. Besson et J.C. Possin, pour lesquels
« l'intelligence économique est la maîtrise concertée de l'information et de la
coproduction de connaissances nouvelles. Elle est l'art de détecter les menaces et
les opportunités en coordonnant le recueil, le tri, la mémorisation, la validation,
l'analyse et la diffusion de l'information utile ou stratégique à ceux qui en ont besoin.
Elle impliquera une protection adaptée à tous les stades de son élaboration :
acquisition, traitement, exploitation, et au patrimoine en résultant avec une attention
particulière aux prémisses (...). Pour l'essentiel, l'intelligence économique est un
cycle d'informations dont la finalité est la production de renseignements stratégiques
et tactiques à "haute valeur ajoutée" ».
Cette définition s’attache au ‘’pourquoi’’ et au ‘’quoi’’, mais peu au ‘’comment’’.
Idem pour C. Revelli : « l'intelligence stratégique est un processus de collecte,
traitement et diffusion de l'information qui a pour objet la réduction de la part
d'incertitude dans la prise de toute décision stratégique. Si à cette finalité on ajoute la
volonté de mener des actions d'influence, il convient de parler alors d'intelligence
économique.»
En somme, chacune de ces définitions vient étoffer le champ et les finalités de l’IE,
mais n’explicite pas les conditions de mise en place au sein d’une entreprise.
De son côté, pour l’association des professionnels de l’information et de la
documentation (ADBS), « [l]’intelligence économique est constituée par l'ensemble
des concepts, des outils, des méthodologies et des pratiques permettant de mettre
en relation, de façon pertinente, différentes connaissances et informations dans la
perspective de la maîtrise et du développement de la dynamique économique. Cette
mise en relation implique en particulier : - une mobilisation des hommes ; - un
traitement et une analyse de l'information et de la connaissance orientés vers une
finalité opérationnelle ; - une circulation efficace des informations et des
connaissances au sein des organisations concernées ».
Ici on effleure du doigt, la notion d’humain que nous relierons aux aspects de culture
d’entreprise et de structure des organisations. Faudrait-il que des conditions
préalables à la mise en place d’un dispositif IE soient réunies ?
19. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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Chapitre 2 : Analyse critique de l’approche
systémique de l’IE
________________________________________
1. Un concept d’IE non mature
2. L’épreuve des faits : de premières hypothèses
20. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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1. Un concept d’IE immature
F. Bulinge16
constate que « le concept [d’IE] est encore immature et non validé d’un
point de vue scientifique. Il est en effet confus au plan théorique (définitions floues et
parfois divergentes, confusion fréquente entre la veille et l’IE) et il est intuitif au plan
opérationnel (les actions entreprises dans les diverses régions ne reposent sur
aucune base scientifique) ». Il milite donc en faveur d’une approche systémique.
F. Bulinge reprend ainsi la définition de J. de Rosnay17
pour décrire un système
comme un « ensemble d’éléments en interaction dynamique organisés en fonction
d’un but. ». L’approche systémique de F. Bulinge est complète (versus le système de
F. Jakobiak présenté précédemment) en ce sens qu’elle appréhende trois plans : le
plan individuel, le plan logique, le plan synergique. De ces trois plans et de leurs
interactions vont naître, de notre point de vue, les facteurs d’équilibre et de
déséquilibre du système IE.
Figure 2.1 Approche systémique de l’IE. Source F. Bulinge (ibid.). L’IE d’après le méta-modèle de
Schwartz
18
Selon F. Bulinge, « cette approche théorique permet par exemple d’expliquer en quoi
la diffusion de l’IE s’est avérée inefficiente. En effet, on ne peut envisager une
appropriation durable de méthodes et d’outils (plan individuel), sans prendre en
16
F. Bulinge, L’intelligence économique comme instrument de développement autonome dans les PMO.
Proposition d’un modèle de transfert. http://bulinge.univ-tln.fr/Franck_Bulinge/Articles/IE_PMO.pdf
17
J. de Rosnay, Le macroscope. Le Seuil, 1975.
18
E. Schwartz, A meta model to interpret the emergence, evolution and functioning of viable natural systems,
Cybernetics and Systems. World Scientific. 1994.
21. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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compte les dimensions logiques (dynamique de groupes) et synergiques (état
d’esprit adapté) ». Mais, si les trois plans sont exposés, il n’y a pas pour autant
d’analyse approfondie des tenants et aboutissants : quelles sont les conditions de
réussite ou les risques liés à chaque plan, quels sont les blocages possibles dans le
passage d’un plan à l’autre ? Le cahier des charges d’une mise en place d’une IE au
sein d’une entreprise ou encore l’audit d’une IE déjà existante devrait donc passer
par une analyse détaillée de ces trois niveaux.
Nous pouvons adresser la même critique au modèle de l’Association Française pour
le Développement de l'Intelligence Economique (AFDIE) qui présente onze facteurs
clés liés au management par l’Intelligence Economique. Concernant le leadership,
une des recommandations est de faire partager une culture de l’information. La
problématique est qu’une culture de l’information ne se décrète pas. Donc, avant
d’établir une IE dans une entreprise, il s’agirait de comprendre quels sont les freins
liés notamment au partage de l’information, en décryptant en particulier quelle est la
culture de l’entreprise concernée.
Figures 2.2a et 2.2b Modèle de Management par l’Intelligence Economique Source AFDIE
19
19
J.P. Mousnier, Un modèle de management par l’IE, pour quoi faire ? d’après Benchmark européen de
pratiques en IE, dir. P.Larrat. L’Harmattan, 2008.
22. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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2. L’épreuve des faits : de premières hypothèses
L’analyse de J. Bondu20
opérée lors de sa thèse professionnelle consistant en un
Benchmarking des pratiques d’Intelligence Economique, nous est apparue
intéressante pour tenter de mettre en lumière un lien de cause à effet entre
l’organisation et la culture des entreprises et la façon dont est structurée l’entité
Veille/IE de l’entreprise en question.
J. Bondu, au vu des vingt quatre entreprises faisant partie de son panel, tire deux
constats majeurs.
Le premier est lié à l’organisation et au phénomène de rétention d’information :
« Certaines entreprises ont dit avoir eu des difficultés à coordonner les structures de
veille pour des raisons de rivalités entre les entités de veille. Etre à la tête d'une
structure de veille permet d'être alimenté en information. Or si une coordination se
met en place, il y a un risque de perdre cette prérogative. C'est sans doute en
connaissance de ces difficultés que des entreprises, qui tentent de mettre en place
une coordination, accordent beaucoup d'importance à l'aspect relationnel et humain,
pour ne pas soulever de réticences».
Le second est lié au facteur humain :
« S'il est un point qui fait l’unanimité entre tous mes interlocuteurs, c’est bien la place
du facteur humain dans la veille. Que ce soit au niveau de la détection des besoins,
de la collecte, du traitement ou de la diffusion des informations…, la qualité du travail
effectué est fortement fonction de la qualité humaine des veilleurs ».
De plus, parmi les critères de catégorisation, au-delà de la définition des besoins, de
la collecte des informations, de la diffusion des informations, du traitement des
informations, de l’intégration de la veille au processus de création des produits, était
pris en compte l’aspect centralisée ou décentralisée de la veille. C’est à ce dernier
critère que nous nous sommes intéressés, tentant de trouver un lien entre
organisation de l’entreprise et centralisation ou non de l’entité veille/IE.
20
J. Bondu, (ibid.)
23. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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Les déterminants endogènes et exogènes de la mise en place d’une IE au sein d’une organisation Page 23
Ainsi, parmi les vingt quatre entreprises interviewées, onze avaient une entité
veille/IE centralisée versus décentralisée pour treize d’entre-elles. Nous avons tenté
de voir s’il y avait des invariants pour expliquer le pourquoi de la décentralisation.
Nous ne dégageons que quelques hypothèses de travail à ce stade, car le
Benchmarking effectué n’avait pas cette finalité. Il semble ainsi que la structure
matricielle soit un facteur à la décentralisation, de même qu’une culture d’entreprise
orientée tradition orale et/ou fondée sur le réseau. Bien évidemment, ceci n’a pas de
valeur scientifique. Il s’agit d’aller plus loin dans l’investigation.
24. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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Les déterminants endogènes et exogènes de la mise en place d’une IE au sein d’une organisation Page 24
Chapitre 3 : Vers une analyse organisationnelle
________________________________________
1. De la théorie à la réalité des entreprises
2. L’organisation comme variable clé
25. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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Les déterminants endogènes et exogènes de la mise en place d’une IE au sein d’une organisation Page 25
1. De la théorie à la réalité des entreprises
F. Peguiron21
dans sa thèse de doctorat soutient que « [l’]intelligence économique et
concurrentielle s’appréhende conséquemment comme un prolongement, non comme
un substitut ou un dépassement du management de l’entreprise. L’intelligence
économique implique l’action. Pour cette raison, un tel dispositif ne peut se réduire à
une cellule dite d’intelligence économique : il se doit d’innerver l’organisation entière
et de mobiliser un périmètre d’individus bien plus large que celui des acteurs
spécialisés officiellement impliqués dans l’activité de veille ». De même, citant
H. Wilensky22
, il est affirmé qu’ « [i]l est essentiel alors de conjuguer les techniques
d’intelligence économique avec le pilotage stratégique et les processus
décisionnels ».
Ceci peut être pertinent d’un point de vue théorique. Mais, cela reste du domaine de
‘‘l’incantatoire’’, car c’est nier les réalités diverses des différentes entreprises.
Le principe de réalité impose de mettre la théorie à l’épreuve.
Ce principe de réalité avait été abordé (mais pas développé) par le groupe du
rapport Martre23
. Ainsi, un sous-groupe intitulé "Analyse comparée des systèmes
d'intelligence économique" a mis en exergue des variables « permettant d'expliquer
la présence d'activités d'intelligence économique au sein d'entreprises dans le
monde entier ».
Parmi ces variables, nous trouvons :
-l’exposition aux marchés mondiaux impliquant une contrainte « à une
compréhension globale de leur environnement » ;
-la nouveauté d’un marché ;
-des horizons technologiques longs.
21
F. Peguiron, Application de l'Intelligence Economique dans un Système d’Information Stratégique
universitaire: les apports de la modélisation des acteurs. Thèse de Doctorat Université Nancy 2. 2006.
22
H. Wilenski, Organizational Intelligence : Knowledge and Policy in Government and Industry. Basic Book,
1967.
23
Œuvre collective du Commissariat du Plan, Intelligence économique et stratégie des entreprises.
(Ibid.).
26. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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Les déterminants endogènes et exogènes de la mise en place d’une IE au sein d’une organisation Page 26
De même, F. Dufour24
, pour expliquer le processus IE, fait référence à la typologie en
six groupes des modes de traitement de l’information de Ph. Baumard25
.
Cette typologie est fondée sur deux variables : le degré de contrôle de l‘industrie sur
son environnement et le degré de disponibilité de l‘information.
« - Les discrétionnaires : peu d‘informations et environnement historiquement
contrôlé (ex. : les cafetiers – excès de complication du SI par manque d‘informations
utiles à l‘interprétation) ;
- Les monopoleurs : environnement contrôlé et densité de l‘information analysable
(ex. : l‘aéronautique – traitement efficace de l‘information) ;
- Les improvisateurs : environnement historiquement turbulent et peu d‘informations
(ex. : les céréaliers – excès de complication du SI par manque d‘informations utiles à
l‘interprétation) ;
- Les équilibristes : environnement turbulent mais maîtrise des SI pour obtenir une
information synchrone avec les mouvements du marché (ex. : la grande distribution –
traitement efficace de l‘information) ;
- Les metteurs en scène : industrie naissante et peu d‘informations analysables (ex. :
les start-ups – traitement efficace mais en phase de test);
- Les chefs d‘orchestres : industrie naissante mais véritable maîtrise de l‘information
qui leur permet de façonner le développement de leur industrie (ex. : les
prescripteurs, les gourous, les produits dérivés, les softwares – excès de
simplification du SI grâce à la maîtrise de l‘information utile à l‘interprétation) ».
Nous considérons que la variable relative au degré de concurrence est pertinente,
mais elle n’est pas l’unique à prendre en compte.
2. L’organisation comme variable clé
Au-delà des variables explicatives de l’existence d’une IE au sein des entreprises, il
est essentiel de définir les conditions de mise en place d’une IE et de sa réussite.
Dans ce cadre, la compréhension de l’organisation des entreprises est
fondamentale, car une mise en place d’une IE ne se fait pas ex nihilo, elle s’intègre à
une organisation et un management préexistant. Il s’agit donc d’en faire le diagnostic
24
F. Dufour, Approche dynamique de l'intelligence économique en entreprise : apports d'un modèle
psychologique des compétences: contribution à l‘élaboration de programmes d‘actions de la CCI de Rennes.
Thèse de Doctorat, Université européenne de Bretagne, 2010.
25
Ph. Baumard, Organisations déconcertées : la gestion stratégique de la connaissance. Masson, 1996.
29. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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Les déterminants endogènes et exogènes de la mise en place d’une IE au sein d’une organisation Page 29
PARTIE II : CADRE DE LA RECHERCHE
Chapitre 4 : Analyse théorique des déterminants d’une mise en place et
de la finalité de l’Intelligence Economique en entreprise
Chapitre 5 : Présentation de l’approche méthodologique
« Le chercheur doit être libre de tenter des expériences audacieuses, de soutenir
des théories révolutionnaires, voire paradoxales. Il doit disposer du droit à l'erreur ».
Pierre Joliot
30. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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Les déterminants endogènes et exogènes de la mise en place d’une IE au sein d’une organisation Page 30
Chapitre 4 : Analyse théorique des
déterminants d’une mise en place et de la
finalité de l’Intelligence Economique en
entreprise
________________________________________
1. Contexte
2. Un déterminant exogène : la pression concurrentielle
3. Trois déterminants endogènes : la culture d’entreprise, le type
d’organisation, le type de structuration par les processus
31. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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Les déterminants endogènes et exogènes de la mise en place d’une IE au sein d’une organisation Page 31
1. Contexte
La genèse de notre questionnement est intervenue lors de la lecture des
différents écrits théoriques concernant l’IE ou encore l’ensemble de ses
définitions. En effet, il s’en dégage le constat qu’il n’y a qu’une seule vérité, une
vérité que j’appellerais ‘’pseudo-scientifique’’ : l’existence d’une IE au sein d’une
entreprise est incontournable et son modèle de déploiement serait unique.
Ainsi, prenons l’exemple du guide pratique pour les PME du MEDEF 27
où nous
trouvons dans le thème 2, intitulé « Créer son propre système d’intelligence
économique », l’affirmation marquée : « L’intelligence économique est à la portée
de n’importe quelle entreprise dans n’importe quel secteur d’activité. » Cette
affirmation est des plus péremptoires, car les recommandations pour ce faire
concernent notamment :
-la comptabilisation des dépenses déjà engagées dans les activités qui
s’apparentent à de l’IE ;
-l’évaluation des coûts du savoir et non-savoir ;
-la cartographie des flux informationnels au sein de l’entreprise…
De plus, il faut « nommer un délégué général à l’intelligence économique qui à
temps plein ou partiel organisera, réorganisera et coordonnera les différentes
veilles de l’entreprise en fonction de ses projets ».
L’approche est donc normative à l’instar de l’économie normative qui « fournit
des prescriptions ou recommandations fondées sur des jugements de valeur
personnels » (Wikipedia, fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_positive_et_normative).
Figure 4.1 l’IE en 4 étapes. Image source Spyworld
nblas.posterous.com/cartographie-de-lintelligence-economique
27
Le Cercle d’Intelligence Economique du MEDEF Paris, L’intelligence économique. Guide pratique pour les
PME. Rapport 2006 du CIE MEDEF.
35. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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Les déterminants endogènes et exogènes de la mise en place d’une IE au sein d’une organisation Page 35
Figure 4.5 Le Pilotage du système d’intelligence économique. Source B. Besson (ibid.)
Mais en amont du pilotage de l’IE, la culture d’entreprise va être décisive dans la
possibilité de la mettre en place. Il est question ici de compatibilité.
Mais qu’est-ce que la culture d’entreprise et en quoi peut-elle constituer un frein
à la mise en place d’une IE ?
Selon Ch. Durand, J.F. Fili, A. Hénault, « La culture d’entreprise peut être définie
comme l’ensemble des éléments particuliers qui expliquent les bases du
fonctionnement d’une entité spécifique. Elle est, dans un certain sens, un sous-
produit de la culture nationale et par conséquent un ensemble de valeurs, de
mythes, de rites, de tabous et de signes partagés par la majorité des salariés.
La culture d’entreprise est une variable essentielle pour expliquer le vécu
quotidien et les choix stratégiques réalisés par un groupe social »33
.
Ainsi, Pascal Jouxtel rappelle qu' « avant tout tournant stratégique, il est
important d'identifier quels sont les mythes fondateurs, les codes, les obligations
et les interdits en vigueur dans l'organisation. Cela évite que nombre de
stratégies de rupture ne tournent en longs déchirements ou, pire, en échecs »
(LesEchos 24/04/2012, Pour préparer le changement, essayer l'introspection).
La mise en place d’une IE au sein d’une entreprise peut être assimilée à une
stratégie de rupture, car impliquant une ouverture sur l’extérieur et un
management interne des flux/partages informationnels.
« Lorsque [la culture d’entreprise] sous-tend des relations de pouvoirs
déterminées, et que l’adaptation aux circonstances (économiques, stratégiques,
technologiques…) implique la remise en cause du statut supérieur de certains
groupes, la culture d’une organisation peut constituer un frein sérieux à sa
capacité d’intégrer ces changements »34
(N. Lemaître-Rozencweig).
33
Ch. Durand, J.F. Fili, A. Hénault, Culture d’entreprise.2000. http://culture.entreprise.free.fr/,.
34
N. Lemaître-Rozencweig, Organisations, Stratégies, Décisions. Thèse de Doctorat, 1981.
36. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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Les déterminants endogènes et exogènes de la mise en place d’une IE au sein d’une organisation Page 36
Alors la culture d’entreprise représente-elle ce support permettant de tendre vers
« l’entreprise cognitive »35
(B. Guilhon et J.L. Levet) dans laquelle l’IE et le
Management des Connaissances constitueraient les bases de l’intelligence
organisationnelle ?
Figure 4.6a Processus de gestion de la connaissance par l’IE et le KM.
Source F. Blondel, S. Edouard, M. N. El Mabrouki (2006)
Figure 4.6b Processus de gestion de la connaissance par l’IE et le KM.
Source F. Blondel, S. Edouard, M. N. El Mabrouki (2006)
Du coup, une seconde question apparaît : l’organisation elle-même supporte-elle
la mise en place d’une IE ? Ou encore, y a-t-il de la place pour un processus de
la connaissance dès lors que l’entreprise est déjà structurée autour de processus
préexistants?
3.b La structure organisationnelle
L’organisation selon H. Mintzberg36
est « une action collective à la poursuite de
la réalisation d’une mission commune ». Si nous considérons que l’implantation
d’une IE au sein d’une entreprise représente une mission commune, il faut donc
s’intéresser de près aux conditions de cette action collective, c'est-à-dire
s’intéresser au type d’organisation, à sa structure ; à savoir « […] la somme
35
B. Guilhon et J.L. Levet, L’intelligence économique et l’économie de la connaissance : quelques éléments de
réflexion. Economica, 2003.
36
H. Mintzberg, Le management, voyage au centre des organisations. Editions d’Organisation, 1989.
37. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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Les déterminants endogènes et exogènes de la mise en place d’une IE au sein d’une organisation Page 37
totale des moyens employés pour diviser le travail entre tâches distinctes et pour
ensuite assurer la coordination nécessaire entre ces tâches ».
Figure 4.7 Les éléments de base de l’organisation.
Source adaptée d’un schéma de HEC Montréal, tiré de H. Mintzberg
37
Cet ensemble ‘’baigne‘’ dans une idéologie que H. Minzberg (1986) définit
comme «un système riche développé et profondément enraciné de valeurs et de
croyances qui distingue une organisation particulière de toutes les autres». Ceci
renvoie à la notion de culture d’entreprise abordée précédemment.
Ce qui nous intéresse ici, et qui va être déterminant dans la mise en place d’une
IE, est la compréhension de la façon dont s’opère la coordination dans
l’organisation. S’agit-il d’un ajustement mutuel par simple communication ou
encore, par supervision directe… Cette typologie des modes de coordination va
être l’outil qui nous permettra de déterminer la plus ou moins bonne adéquation
de l’organisation avec le déploiement d’un processus IE (cf. chapitre 5).
3.c Le type de structuration par les processus
En lien avec le type de structure, nous introduisons le facteur ‘’structuration par
les processus’’. En effet, l’IE dans une entreprise correspond à un processus que
37
H. Mintzberg, Le pouvoir des organisations, Editions d’Organisation, 1986.
Ligne hiérarchique
Production, fabrication,
distribution, maintenance
Management de l’organisation
Entité de planification
Support logistique
39. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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3) Les processus de gestion des ressources, dits de support, correspondent à
l'activité de mise à disposition en interne des ressources nécessaires à la
réalisation des processus opérationnels : Informatique, Achats de fournitures,
Formation, Comptabilité…
4) Les processus de mesure traitent l'efficacité des processus eux-mêmes, par
l’évaluation des écarts entre les résultats et les objectifs définis.
Les processus clés sont inclus dans la première catégorie : les processus de
pilotage et plus particulièrement les processus de pilotage stratégique. Comme le
stipule la norme AFNOR FD X 50-176, « [v]oilà des processus essentiels. Ils sont
le nerf du système. Ils participent et contribuent en effet à la détermination, à
l'élaboration de la politique et au déploiement des objectifs dans l'organisme. Ils
sont les fils conducteurs des processus opérationnels et de soutien. Ils les
pilotent, les surveillent. Ces processus intègrent la Revue de Direction, le Pilotage
de l'amélioration continue, le Management de la qualité... ». L’enjeu consiste à
faire la cartographie des processus de l’entreprise afin de déterminer quel est le
positionnement le plus efficace et réaliste du processus IE.
Dans ce chapitre, nous avons donc explicité les quatre éléments déterminants de
la mise en place d’un dispositif d’IE :
-l’intensité concurrentielle qui selon son degré va d’autant plus imposer ou pas le
besoin d’une IE ;
-la culture d’entreprise (ou encore la volonté du dirigeant dans le cadre d’une
TPE, voire PME) qui pourra être plus ou moins compatible avec une IE ;
-le type d’organisation impliquant un mode de coordination spécifique. Cette
spécificité pourra être plus ou moins antagoniste avec les fondamentaux d’une IE.
-Enfin, un quatrième élément : les processus, car il s’agit d’appréhender la façon
dont le processus IE peut se mailler avec d’autres processus préexistants.
40. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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Les déterminants endogènes et exogènes de la mise en place d’une IE au sein d’une organisation Page 40
Chapitre 5 : Mode opératoire du modèle
________________________________________
1. Les principes d’un ‘’nouvel’’ audit IE
2. Indicateur « Intensité concurrentielle »
3. Indicateur « Culture d’entreprise »
4. Indicateur « Type d’organisation »
5. Indicateur « Processus »
42. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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Les déterminants endogènes et exogènes de la mise en place d’une IE au sein d’une organisation Page 42
« Il est établi en additionnant le carré des parts de marché (généralement
multipliées par 100) de toutes les entreprises du secteur considéré. Plus l'IHH
d'un secteur est fort, plus la production est concentrée.
L'IHH est utilisé en droit de la concurrence par les autorités de concurrence à
deux titres : en valeur absolue et en variation (avant et après l'opération de
concentration envisagée).
On distingue habituellement trois zones :
IHH inférieur à 1000 : secteur peu concentré, présentant peu de risques
de problèmes;
IHH compris entre 1000 et 2000, avec un delta inférieur à 150 : zone
intermédiaire, pouvant présenter des risques en présence de certains
facteurs;
IHH supérieur à 2000, avec un delta supérieur à 150 : zone de risques
importants »
(Source Wikipedia, fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_Herfindahl-Hirschmann).
Nous utilisons donc cet indice pour mesurer l’intensité de la concurrence :
lorsque l’IHH est inférieur à 1000, le secteur est peu concentré, signifiant a
contrario qu’il y a une forte concurrence (de nombreux acteurs et des parts de
marché réparties entre ces acteurs). Par rapport à notre propos, plus la
concurrence est intense, plus la nécessité d’un dispositif IE sera critique. A
l’inverse, on pourra comprendre qu’une Direction Générale d’une entreprise
ne soit pas favorable à un dispositif IE si le IHH est supérieur à 2000 (très peu
de concurrents et/ou des parts de marché concentrées sur très peu d’acteurs).
Pour autant nous n’affirmons pas que l’IE est superflue pour une entreprise
dans un secteur avec peu ou sans concurrence. En effet dans ce dernier cas,
l’IE peut être un moyen de veiller s’il y a émergence d’un ou de concurrents.
Néanmoins, l’absence de concurrence peut expliquer la raison pour laquelle le
besoin d’un dispositif IE n’est pas ressenti par une entreprise.
Illustration 5.1 Représentation de l’indicateur IHH.
IHH>2000
Concurrence
faible
2000>IHH<1000
Concurrence
moyenne
IHH<1000
Concurrence
forte
Favorableà la mise en place
d’un dispositif IE
IE
43. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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Les déterminants endogènes et exogènes de la mise en place d’une IE au sein d’une organisation Page 43
De façon qualitative, une analyse des cinq forces de la concurrence devra être
effectuée en complément, car l’IE ne concerne pas uniquement les
concurrents directs, mais aussi les quatre autres forces de la concurrence
ainsi que les aspects règlementaires.
3. Indicateur « Culture d’entreprise »
Nous utilisons, pour cette partie audit de la Culture d’entreprise, l’approche de
G. Hofstede39
.
Il définit cinq facteurs de différenciation culturelle au niveau des nations, que
nous appliquons ici aux entreprises :
-La distance hiérarchique : les cultures qui ont une faible distance hiérarchique
attendent et acceptent les relations de pouvoir qui sont plus sur le mode de la
consultation et démocratiques;
-Le contrôle de l'incertitude : degré de tolérance face à l’incertitude du futur ;
-L'individualisme (versus collectivisme) : degré de liberté d'un individu par rapport
au groupe ;
-La masculinité (versus féminité) : primauté du factuel versus l’émotionnel ;
-L'orientation long terme (versus court terme).
Illustration 5.2 Représentation de l’indicateur Culture d’entreprise, adaptée de F. Bulinge40
39
G. Hofstede, Culture's Consequences: comparing values, behaviors, institutions, and organizations across
nations. Thousand Oaks, 2001, seconde édition.
40
F. Bulinge, Pour une culture de l’information dans les petites et moyennes organisations : un modèle
incrémental d’intelligence économique. Thèse de doctorat, 2002.
Facteurs Faible ----------------------------------------------> Fort
Distance
hiérarchique
X
Contrôle
incertitude
X
Individualisme X
Masculinité X
Orientation long
terme
X
X : positionnementidéal dans le cadre de la mise en place d’un dispositif IE
44. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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Les déterminants endogènes et exogènes de la mise en place d’une IE au sein d’une organisation Page 44
Lors de la phase d’audit Culture d’entreprise, il s’agira de mesurer la proximité
avec le positionnement idéal pour la mise en place d’une IE: une faible distance
hiérarchique, un fort contrôle de l’incertitude, un groupe qui prime sur l’individu,
une primauté de l’émotionnel, une orientation long terme.
4. Indicateur « Type d’organisation »
Il n’y a pas d’organisation idéale, mais les six types d’organisation de
Mintzberg: ajustement mutuel, supervision directe, standardisation des
procédés de travail, standardisation des résultats, standardisation des
qualifications, standardisation des normes vont, dans le cadre d’une mise en
œuvre d’un dispositif IE, impliquer des modes de gouvernance IE différenciés.
Selon nous, l’ajustement mutuel, la standardisation des qualifications, la
standardisation des normes militeraient en faveur d’une IE décentralisée alors
que la supervision directe, la standardisation des procédés de travail, la
standardisation des résultats induiraient une centralisation de l’IE.
45. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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Figure 5.2 Les mécanismes de coordination et leur identification.
Source graphique par M. Moreno (Cours IAO/IFSE), tiré de H. Mintzberg, 1989.
5. Indicateur « Processus »
Il s’agira d’opérer une cartographie des processus afin de mettre en lumière
les processus clés de l’entreprise et pour répondre à la question : le dispositif
IE doit-il être un processus clé de l’entreprise ou un processus support vis-à-
vis des processus clés ?
47. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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De son côté, le Management des Risques se nourrirait de l'IE, s'appuyant
ensuite sur ces propres outils : cartographie des risques, indicateurs et suivi
pour le déclenchement d'alertes (M.N. EL Mabrouki)43
.
Selon B. Besson, pour commencer une démarche d’intelligence économique,
il faut se poser les questions suivantes : « quels dangers courons-nous ? » ;
« quels sont nos moyens de protection ? » ; « disposons-nous des meilleurs
systèmes ? » ; « quelle est la fiabilité de nos partenariats ? ». « Une entreprise
qui protège ses membres, ses clients et ses partenaires renforce sa cohésion,
son image et augmente sa capacité d’influence. L’intelligence des risques
permet de devancer des concurrents moins avancés en la matière » (Extrait
du résumé dans la Revue Electronique Suisse de Science de l'Information du
5ème colloque franco-suisse en intelligence économique et veille stratégique
de la Haute Ecole de Gestion Arc).
B. Gilad44
concevait déjà en 2001 le Risk Management comme l'évolution de
la Competitive Intelligence que l'on assimilera à l'IE en entreprise. Il
s'interrogeait sur la survie des professionnels de la Competitive Intelligence,
développant un argument simple : les professionnels de la Competitive
Intelligence utilisent l'information concurrentielle pour identifier et manager les
risques; par concurrentielle il ne faut pas comprendre uniquement
‘’concurrents’’, mais l'ensemble de l'environnement de l'entreprise. Toujours
selon B. Gilad, le professionnel de l'IE d'entreprise devrait avoir pour finalité
l'identification et la minimisation des risques, mariant pour se faire des
méthodes IE (e.g. signaux faibles, SEWS : Strategic Early Warning System,
war game) avec des outils du Management des Risques (e.g. cartographie,
indicateurs d'alerte).
43
M.N. EL Mabrouki, L'Intelligence Economique : quels apports à la gestion des risques.
http://atlas.irit.fr/PIE/VSST/Actes%20VSST%272007%20Marrakech/24-A13-Gestion-des-
risques/El_%20Mabrouki.pdf
44
B. Gilad, Competitive Intelligence Magazine, Industry Risk Management: CI's Next Step. Competitive
Intelligence Magazine, 2001. http://www.academyci.com/ResourceCenter/CI_Next_Step.pdf
49. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
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CONCLUSION
Cette thèse professionnelle est née d’une interrogation (qu’est que l’Intelligence
Economique ?) et d’un manque ressenti vis-à-vis des multiples définitions qui
s’attachaient plus répondre ‘’au quoi’’ et ‘’au qui’’, en tenant pour acquis ‘’le
comment’’ et ‘’le quand’’.
Nous avons donc tenté de répondre à ces questions ‘’ quand’’ et ‘’comment’’ en :
-éclairant d’un point de vue théorique quatre déterminants de la mise en œuvre d’un
dispositif IE au sein d’une entreprise ;
-adoptant une démarche résolument analytique, ‘’micro’’ (descendant au niveau fin
de l’entreprise) et positive au sens scientifique du terme (qui s’attache aux
explications objectives du fonctionnement d’une IE au sein d’une entreprise), en
appréhendant les facteurs d'équilibre et de déséquilibre du système IE liés à
l’intensité concurrentielle, la culture d’entreprise, le type d’organisation et l’articulation
des différents processus ;
-proposant, d’un point de vue méthodologique, des indicateurs d’évaluation
opérationnels ;
-offrant une application en grandeur nature au travers de notre expérience Renault.
Nous sommes conscients des limites de la recherche, notamment la partie
application qui n’a eu que comme champ d’application une seule entreprise. De
même, l’utilisation de l’étude Benchmarking de J. Bondu n’a pu être démonstrative,
puisqu’elle n’avait pas été structurée initialement pour le champ couvert ici. Elle nous
a néanmoins mis sur la voie des variables significatives, notamment la culture
d’entreprise.
Il s’agirait d’élargir à d’autres entreprises cette méthodologie d’audit, à partir des
variables explicatives mises à jour et leur indicateur associé, en amont de la mise en
place d’un dispositif IE ou a posteriori, pour objectiver les raisons de
dysfonctionnement ou de bon fonctionnement d’une IE.
50. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
Mastère Spécialisé Intelligence Economique et Management des Connaissances – SKEMA Business School
Les déterminants endogènes et exogènes de la mise en place d’une IE au sein d’une organisation Page 50
Résolument nous espérons avoir ouvert des perspectives, confirmant, s’il le fallait,
que l’IE était pluridisciplinaire abordant les champs de la théorie des organisations,
de la cartographie des processus et le caractère prépondérant de l’aspect humain à
travers la culture d’entreprise.
52. Thèse professionnelle Rodolphe Delabarre - Promotion 2012
Mastère Spécialisé Intelligence Economique et Management des Connaissances – SKEMA Business School
Les déterminants endogènes et exogènes de la mise en place d’une IE au sein d’une organisation Page 52
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